Germinal

Germinal Citations et Analyse

“Et, à chaque voyage, Étienne retrouvait au fond l’étouffement de la taille, la cadence sourde et brisée des rivelaines, les grands soupirs douloureux des haveurs s’obstinant à leur besogne. Tous les quatre s’étaient mis nus, confondus dans la houille, trempés d’une boue noire jusqu’au béguin.”.

Narrateur

Le naturalisme de Zola donne une image vivante et fascinante des conditions de travail des mineurs. Ses descriptions crues s'avèrent parfois assez inconfortables pour le lecteur. On peut imaginer que ces réalités semblaient tout aussi répugnantes aux élites britanniques ou françaises qui possédaient des mines de charbon. Les descriptions sont à la fois richement illustrées et provocantes. Les “grands soupirs douloureux” des haveurs traduisent non seulement la difficulté de leur travail mais aussi leur sentiment de damnation et de mécontentement passif. Cette première expérience de la mine fournit à Étienne les raisons de la grève.

“Jamais la mine ne chômait, il y avait nuit et jour des insectes humains fouissant la roche, à six cents mètres sous les champs de betteraves.”.

Narrateur

En personnalisant la mine et en l'assimilant à un monstre jamais rassasié par la perte des vies humaines sacrifiées au nom du profit, Zola transmet un sentiment accru de peur et d'urgence. La mine est une métonymie de la cupidité humaine autant qu'elle en est le produit. Les ouvriers sont comparés à des insectes, ce qui implique leur caractère jetable et sans importance (par opposition au statut des ouvriers en tant que collectivité). Ces insectes, dans les profondeurs de la terre, travaillent sans relâche pour un dieu cruel qui vit au-dessus de la terre, un dieu qu'ils ne comprennent pas. Leur seule tâche consiste à s'occuper du ‘quoi’ et du ‘comment’ de la mine – pas du ‘pourquoi’. Car s'ils s'occupaient du ‘pourquoi’ (ce qu'Étienne fait à un moment donné), ils ne seraient plus des insectes. Ils deviendraient des êtres sensibles et intelligents.

“Il ne savait pas, il voulait redescendre dans la mine pour souffrir et se battre, il songeait violemment à ces gens dont parlait Bonnemort, à ce dieu repu et accroupi, auquel dix mille affamés donnaient leur chair, sans le connaître.”.

Narrateur (omniscient)

Ce moment de prise de conscience intervient au moment où Étienne arrive à la taverne de Rasseneur. Zola relie les différents éléments de la fosse à la résistance. Ainsi, si la fosse peut être vue comme impitoyable, parce que “dix mille affamés” lui donnent leur chair, elle comporte aussi des traces de résistance. Il y a des éléments de la fosse qui refusent d’engloutir les travailleurs. Ce sont précisément ces éléments – Zola mentionne notamment le vent – qui aident Étienne. La nature et l'homme travaillent ensemble pour résister à la nature et à l'homme.

“Vous avez beau crier contre les riches, le courage vous manque de rendre aux pauvres l’argent que la fortune vous envoie... Jamais vous ne serez dignes du bonheur, tant que vous aurez quelque chose à vous, et que votre haine des bourgeois viendra uniquement de votre besoin enragé d’être des bourgeois à leur place.”.

Souvarine

Souvarine expose l'hypocrisie des ouvriers qui nourrissent une haine profonde pour l'élite qui dirige les mines. Ils ressentent plus la jalousie que l’injustice. D'une certaine manière, les paroles de Souvarine peuvent être interprétées comme une véritable haine des bourgeois. Ces mineurs sont simplement en colère parce qu'ils ne font pas partie des riches. Ils ne veulent la révolution que dans la mesure où elle leur donne l'occasion de devenir des oppresseurs. Beaucoup de ces travailleurs se mobiliseraient uniquement pour acquérir du pouvoir et de l'argent. Ce changement fait naître un nouveau sentiment d'insécurité, marqué par le désir d'argent, la paranoïa et la condescendance envers tous ceux qui seront laissés pour compte.

“Étienne, qui était resté devant les soldats, faillit avoir le crâne brisé. Son oreille fut frôlée, et en se retournant il sursauta quand il comprit que la brique venait des mains fébriles de Catherine ; mais au risque d'être tué il resta là où il était, la regardant fixement. Beaucoup d'autres aussi s'oublièrent là, absorbés par la bataille, les mains vides.”.

Narrateur

Ce moment fait ressortir la perception romantisée qu'Étienne a de la lutte entre les soldats et les grévistes. Il risque de mourir s'il ne fait pas attention aux briques et aux pierres qui volent autour de lui. Mais lui, comme d'autres manifestants, s'y oublie. Il se perd dans la foule et dans la violence avec laquelle les mineurs expriment leurs revendications idéologiques. Les grévistes se transforment en une foule émeutière qui cherche à frapper pour le plaisir de la douleur. Cette folie est complétée par un manque de perception sensorielle et une perte de but. L'amour d'Étienne entre également en jeu. Il regarde Catherine, bien qu'elle essaie de le tuer. Le manque d'organisation à ce moment-là montre comment une violence incontrôlée et non organisée peut saper les objectifs d’une révolte.

“Le plaisir de vivre s’en va, lorsque l’espoir s’en est allé. Oui, ça ne pouvait durer davantage, il fallait respirer un peu... Si l’on avait su pourtant! Est-ce possible, de s’être rendu si malheureux à vouloir la justice !”.

Maheude

Maheude est l'un des personnages les plus dynamiques de l'intrigue. D’abord peu intéressée par la grève, elle en devient ensuite la plus ardente supportrice (plus encore qu'Étienne). Après la grève, elle tente de convaincre Étienne de continuer le combat. Bien qu’elle se plaigne que l’espoir a disparu, ses propos et son attitude eux-mêmes sont source d’espoir. Étienne se sent toutefois déprimé et affaibli. Il quitte la maison, marchant d'un pas penaud dans la mine et s'attirant l'ire des autres mineurs.

“Des poings se tendaient vers lui, des mères le montraient à leurs garçons d’un geste de rancune, des vieux crachaient, en le regardant. C’était le revirement des lendemains de défaite, le revers fatal de la popularité, une exécration qui s’exaspérait de toutes les souffrances endurées sans résultat. Il payait pour la faim et la mort.”.

Narrateur

Le remords et le désespoir consument Étienne après l'échec de la grève. Les mineurs abandonnent toute subtilité idéologique. Le succès du soutien apporté à l'opération reflète la capacité d'Étienne à inspirer l'espoir, mais son échec reflète aussi son incapacité à l'exécuter. Plus important encore, il reflète sa mauvaise appréhension de la réalité. L'approche modérée de Rassneur aurait été plus adaptée. Pour Étienne, le monde n'est pas suffisant : il veut l'égalité à tout prix. L'échec de la grève montre qu’une victoire contre le capitalisme ne s’obtient pas du jour au lendemain. Changer complètement l'infrastructure que les riches et les puissants travaillent si dur à préserver est idéaliste – et aux yeux de Rasseneur, insensé.

“Il la verrait, il lui expliquerait qu’elle ne devait plus le poursuivre, à cause des camarades. On n’était guère à la joie, ça manquait d’honnêteté, de se payer ainsi des douceurs, quand le monde crevait de faim.”.

Narrateur (omniscient)

Étienne se sent coupable de s'adonner aux plaisirs charnels alors que les grévistes – à sa demande et de son fait – se laissent mourir de faim au nom de la justice. Rester ou non avec Mouquette est un test de leadership auquel il est confronté dans tout le roman. Peut-il s'adonner au plaisir ? Ou doit-il se consacrer tout entier à la grève ? Son charisme peut compromettre son intégrité, bien qu’il suffise d'un moment de faiblesse pour que sa réputation s'effondre. Le fait que les leaders doivent se soumettre à des normes plus strictes au nom d'une plus grande cause tourmente Étienne. Ses sentiments contradictoires sur l'amour et l'engagement exacerbent les malentendus qu'il a avec Catherine et avec certains des mineurs.

“Cette terre, tassée dans sa bouche, c’était le pain qu’il avait refusé. Et il ne mangerait plus que de ce pain-là, maintenant. Ça ne lui avait guère porté bonheur, d’affamer le pauvre monde. Mais les femmes avaient à tirer de lui d’autres vengeances. Elles tournaient en le flairant, pareilles à des louves. Toutes cherchaient un outrage, une sauvagerie qui les soulageât.”.

Narrateur

La mort de Maigrat est le moment le plus horrible et le plus violent de l'histoire. Les limites de la solidarité parmi les femmes qui ont été harcelées et à qui Maigrat a tout refusé expliquent leur éruption de rage, dans un contexte de relations économiques et de genre plus larges. Dans leur vie quotidienne, ces femmes rancunières se méfient les unes envers les autres. Elles mentent, trichent, volent et se chamaillent en permanence. Mais leurs relations changent radicalement lorsqu'elles sont confrontées à un ennemi commun. Elles deviennent bien plus efficaces, tant dans leurs actions et leurs objectifs – aussi vicieux soient-ils. La violence déchaînée par les femmes choque les plus fervents hommes grévistes. Or, ce sont ces hommes, qui descendent dans la mine tous les jours, qui devraient être les plus indignés. Zola montre habilement que les femmes ont elles aussi un grand intérêt dans la grève – et l'utilisent pour infliger violence et justice à ceux qu'elles perçoivent comme des coupables.

“Au contraire, la grève s’était aggravée : Crèvecœur, Mirou, Madeleine arrêtaient l’extraction, comme le Voreux ; Feutry-Cantel et la Victoire perdaient de leur monde chaque matin ; à Saint-Thomas, jusque-là indemne, des hommes manquaient.”.

Narrateur

Les grèves sont épisodiques et peuvent survenir après de longues périodes de coexistence. Dans le roman, les émeutes se produisent entre des gens qui se nourrissent et profitent les uns des autres – malgré la nature fortement asymétrique de cette relation. Les grévistes réclament leurs droits sous la forme de droits collectifs et non individuels. Cette dimension illustre la nature socialiste de la théorie politique française à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. La grève concerne des espaces publics : routes, mines, etc. Elle ne se déroule pas à huis clos (bien qu'il y ait eu une première tentative de négociation de cette manière).

Acheter ce Guide d'Etude Rendez-vous sur cette page