Le manque d’argent inquiète tous les mousquetaires ; Athos refuse de faire quoi que ce soit, mais les trois autres partent pour essayer d’acquérir des fonds. Porthos les dirige vers une église où sa maîtresse, Mme Coquenard, assiste au service. C’est une femme plus âgée, épouse d’un riche avocat. Porthos lui explique le prêt d’argent, mais D’Artagnan est distrait par une belle jeune femme qui assiste aussi au service. Il la reconnaît de Meung, quand il l’avait vue avec Rochefort l’appelant Milady (le lecteur sait qu’elle est Mme de Winter, qui a volé les diamants de Buckingham sur ordre du cardinal). Il la suit de l’église de St. Germain, accompagné de Planchet. A leur approche, ils reconnaissent Lupin, le serviteur du comte de Wardes (l’homme avec qui D’Artagnan s’est battu et a changé d’identité à Calais). Planchet finit incidemment par recevoir un message de Milady pour le comte de Wardes, impliquant que les deux se connaissent.
Quand D’Artagnan et Planchet rattrapent Mme de Winter, elle est en train de se disputer avec son frère, que D’Artagnan reconnaît comme l’un des Anglais qui jouait avec Athos à Amiens. D’Artagnan finit par provoquer Lord de Winter en duel ; celui-ci apparaît le lendemain accompagné de trois amis anglais, tandis que D’Artagnan amène les trois mousquetaires. Ceux-ci remportent le duel, et D’Artagnan épargne gracieusement la vie de Lord de Winter, qui est impressionné par ses combats et sa bravoure. Il invite D’Artagnan à dîner avec lui et Milady. D’Artagnan devient encore plus fasciné par la belle et mystérieuse femme et commence à lui rendre visite chaque nuit.
Pendant que d’Artagnan courtisait Milady, sa servante, Kitty, est tombée amoureuse de lui. Un soir, Kitty avoue ses sentiments et dit à D’Artagnan que Milady ne l’aimera jamais. Pour le prouver, Kitty montre à D’Artagnan une lettre que Milady a écrite au comte de Wardes, ce qui montre clairement qu’elle l’aime. Plus tard dans la nuit, D’Artagnan se cache dans le placard et espionne Milady et Kitty. Milady se vante de sa capacité à manipuler D’Artagnan, et se plaint que si seulement il avait tué son frère dans le duel, elle serait devenue très riche. Trahi et en colère, D’Artagnan convainc Kitty d’intercepter la prochaine lettre entre Milady et de Wardes. De son côté, il envoie un faux message arrangeant une supposée rencontre entre Milady et le comte de Wardes. D’Artagnan se déguise alors et passe la nuit avec Milady, tandis qu’elle le prend pour son amant, de Wardes. Elle lui donne une bague, qu’Athos reconnaîtra plus tard comme un héritage de sa famille. Pour achever sa vengeance, d’Artagnan envoie à Milady une note qui semble émaner de de Wardes disant qu’il est fatigué d’elle et attiré par d’autres femmes.
Pendant ce temps, Porthos dîne avec sa maîtresse et son mari, et lui rappelle sa promesse de lui donner de l’argent et un cheval. Elle lui fournit un vieux cheval décrépit, qui n’est autre que celui que que D’Artagnan monta de Gascogne à Paris. Porthos rend la monture, et laisse entendre qu’il peut trouver une nouvelle maîtresse qui sera plus généreuse avec lui. Aramis a secrètement reçu de l’argent de son propre amant mystérieux, mais il dit à ses amis qu’il a gagné l’argent en écrivant des poèmes.
Analyse
Ce passage porte sur une intersection entre l’argent, la sexualité et le pouvoir. Bien qu’ils semblent être de puissants modèles de virilité, au moins deux mousquetaires dépendent effectivement des femmes. Porthos et Aramis comptent tous deux sur leurs maîtresses pour financer leurs fournitures afin d’entreprendre leur mission militaire, bien qu’ils gèrent le processus chacun à leur manière. Porthos n’a aucune honte de prendre de l’argent à une femme, et il semble même fier d’être en relation avec une femme riche. Aramis est plus traditionnel et conservateur ; il n’aime pas du tout qu’on sache qu’il est impliqué amoureusement ni qu’il reçoit de l’argent. Il cache soigneusement cette information aux autres mousquetaires, ce qui montre que malgré leur loyauté farouche, il n’y a pas de confiance absolue au sein du groupe.
Porthos et Aramis semblent au moins avoir la maturité et l’intelligence pour gérer leurs amours et choisir sagement leurs maîtresses. Avec Constance Bonacieux hors du champ, D’Artagnan abandonne rapidement son cœur à une autre belle femme. Les relations antérieures de Milady avec le cardinal et Rochefort devraient éveiller ses soupçons, ses manières et son comportement indiquent également qu’elle n’est pas entièrement digne de confiance. Fait intéressant, la reine Anne et Constance sont toutes deux des femmes mariées, et pourtant elles sont présentées comme pures, dignes de confiance et vertueuses. Milady est veuve et donc potentiellement disponible pour une cour légitime et un futur mariage. Cependant, elle est dépeinte comme sensuelle et dangereuse contrairement aux autres femmes. Peut-être parce que Milady est indépendante et peut faire des choix autonomes sur sa vie, elle représente en fait une menace plus profonde pour un ordre social conservateur.
Milady utilise également sa beauté, son charisme et son indépendance pour poursuivre sa propre gratification sexuelle. Elle n’hésite pas à entretrenir une relation avec le comte de Wardes, tout en manipulant D’Artagnan pour son ego et son amusement. D’Artagnan est un jeune homme très fier ; il est clair depuis la première scène du roman à Meung qu’il réagit avec une colère profonde quand son orgueil est blessé. Par conséquent, il est particulièrement blessé quand il réalise que Milady ne répond pas à ses sentiments, et préfère plutôt un autre homme. Compte tenu de la jeunesse de D’Artagnan, du manque de richesse et de statut, il peut supposer qu’elle préfère le comte de Wardes parce qu’il est l’homme le plus riche et le plus puissant. La réaction de d’Artagnan reflète la colère avec laquelle Athos s’en est pris à sa femme (les lecteurs, bien sûr, finiront par apprendre que les deux femmes sont une seule et même personne). Peut-être parce qu’Athos a toujours été présenté comme un modèle au plus jeune homme, l’histoire de la façon dont il s’est comporté quand il a appris que sa femme l’avait trahi peut avoir influencé D’Artagnan, le laissant penser qu’il est convenable de punir une femme si elle vous blesse ou vous trompe.
D’Artagnan est particulièrement perfide dans la vengeance qu’il exerce, révélant qu’il a absorbé les ruses de la cour française. Il veut blesser l’orgueil de Milady de la même manière qu’elle l’a blessé, et il sait qu’elle est vaniteuse, croyant à son pouvoir de séduction sur les hommes. Si elle pense que le comte de Wardes l’a rejetée après avoir couché avec lui, elle se sentira vulnérable et blessée. Ce que D’Artagnan n’a pas pressenti, c’est à quel point Milady est différente de la plupart des femmes. Plutôt que de devenir triste, elle devient furieuse. L’impulsivité et le manque d’anticipation de D’Artagnan le placent en pleine face avec un ennemi qui est plus dangereux qu’il ne le croit.