M. Hamel considère que le français est la plus belle langue du monde, la plus logique et la plus claire. Il rappelle aux élèves qu’il ne faut jamais oublier sa langue maternelle car elle est la clé qui permet aux peuples asservis de s’échapper de leur prison.
Tout ce que dit M. Hamel pendant la leçon de grammaire semble simple et Franz est surpris de voir à quel point il comprend bien. Il pense qu'il n'a jamais écouté aussi attentivement et que M. Hamel n'a jamais expliqué un sujet aussi patiemment. Franz sent que l'instituteur veut transmettre à ses élèves tout ce qu'il sait avant de partir.
Après la grammaire, M. Hamel donne une leçon d'écriture. Il distribue des feuilles sur lesquelles il y a écrit "France, Alsace, France, Alsace" d’une belle écriture cursive. Franz remarque que les feuilles de papier suspendues à la tringle des bureaux ressemblent à des petits drapeaux qui flottent dans la pièce.
Chaque élève se met au travail dans le plus grand silence, et l’on n’entend que les plumes grincer sur le papier. Quelques abeilles passent dans la pièce, mais personne n'y prête attention. Les pigeons sur le toit roucoulent tout bas : Franz se demande s'ils peuvent chanter en allemand.
Chaque fois que Franz lève les yeux de sa feuille, il voit M. Hamel assis immobile sur sa chaise, parcourant la pièce du regard, comme s'il essayait d’imprimer la disposition des lieux dans son esprit. Franz s'émerveille à l'idée que M. Hamel ait passé quarante ans à la même place, à enseigner dans la même salle de classe avec le même jardin devant la fenêtre. La seule différence est que les pupitres et les bancs se sont polis, les noyers du jardin ont grandi et les houblons qu’il avait plantés sont désormais enguirlandés autour des fenêtres. Franz imagine que le cœur de M. Hamel doit se briser à l'idée de quitter tout cela et d’entendre sa sœur faire ses valises dans la chambre du dessus, car ils doivent partir dès le lendemain. Malgré tout, M. Hamel a le courage d'enseigner jusqu’à la dernière leçon.
Une leçon d’histoire succède aux exercices d’écriture, puis les plus jeunes élèves chantent leurs voyelles : ba, be, bi, bo, bu. Au fond de la salle, Hauser met ses lunettes et, tenant un vieux manuel entre ses mains, épelle des lettres avec les petits enfants. Franz remarque que Hauser est en train de pleurer, sa voix tremble d'émotion. Tout le monde hésite entre rire et pleurer et Franz se dit qu’il se souviendra toujours de cette dernière leçon.
La cloche de l'église sonne les douze coups de midi, suivis de l'Angélus. Au même moment, Franz entend les trompettes prussiennes retentir à l’extérieur. M. Hamel se lève de sa chaise, très pâle. Il n’avait jamais paru aussi grand.
“Mes amis, je..." commence M. Hamel avant que sa voix ne se brise. Incapable de continuer, il se tourne vers le tableau, prend la craie et, de toutes ses forces, écrit le plus gros possible : "Vive la France !". L'histoire se termine lorsque M. Hamel appuie sa tête contre le mur. Sans faire de bruit, il fait un signe de la main à la classe comme pour dire : « C'est fini... Allez-vous-en."
Analyse
Le sentimentalisme et le nationalisme de M. Hamel transparaissent lorsqu’il dit que le français est la plus belle langue du monde. Face à la menace de disparition de la culture française, il recommande aux enfants alsaciens de faire tout leur possible pour ne pas abandonner leur langue, car c’est le seul moyen de conserver leur indépendance intellectuelle. M. Hamel insiste sur ce point en disant à ses élèves que la langue est la clé de la prison de l’oppression.
On peut voir un autre exemple d’ironie situationnelle lorsque Franz réalise qu’il n’a jamais aussi bien compris une leçon de grammaire. M. Hamel, les élèves et les villageois assis au fond de la salle n’ont jamais été aussi attentifs que lorsqu’ils ont compris que leur langue, leur culture et leur identité françaises étaient en danger. En continuant à enseigner alors qu’il sait que les Prussiens vont le forcer à quitter le village dès le lendemain, M. Hamel cherche à assurer l’éducation de ses élèves à tout prix.
Daudet insiste sur ce sens du devoir patriotique en comparant les feuilles distribuées par M. Hamel à des petits drapeaux qui flottent tout autour de la salle. En écrivant joliment “Alsace” et “France” sur les copies, M. Hamel rappelle à ses élèves que cette région appartient à leur pays.
L’histoire se termine lorsque M. Hamel échoue à s’adresser à sa classe car sa gorge est nouée. Submergé par l’émotion, il préfère se tourner vers le tableau noir et résumer sa pensée en écrivant “Vive la France !”. Cette phrase triomphante contraste avec le défaitisme dont fait preuve M. Hamel lorsqu’il appuie sa tête contre le tableau et dit à ses élèves de partir. Daudet illustre grâce à cette image à quel point un humble instituteur est démuni face à des contraintes géopolitiques qui lui ordonnent d’abandonner sa carrière et tout ce qu’il a jamais connu.