Convaincue qu’il n’est plus de son ressort de venger la mort de Camille, Mme Raquin décide de se suicider en arrêtant de s’alimenter. Thérèse tente d’empêcher la tentative autodestructrice de Mme Raquin, tandis que Laurent reste indifférent. En fait, il espère que la mort de Mme Raquin pourrait apporter un certain apaisement. Mme Raquin qui réalise cela, change d’avis et décide de vivre, car elle veut être témoin du sort des meurtriers de son fils.
Thérèse et Laurent envisagent de se séparer et de s’enfuir. Pourtant, tous deux se rendent compte qu’une telle décision susciterait des soupçons et ainsi qu’ils auraient à faire affaire avec la justice. Ils restent vivre dans le Passage du Pont-Neuf avec une nouvelle compagne : Suzanne. La jeune femme timide d’Olivier commence à tenir compagnie dans la boutique à Thérèse, qui est ravie de l’avoir pour se distraire et papoter. En fait, comme les deux femmes ne font pratiquement rien d’autre que bavarder, leur négligence chasse les derniers clients de la boutique. Suzanne reste quand même utile à autre chose; car en s’occupant du magasin, elle permet à Thérèse d’aller se promener dans Paris l’après-midi.
La situation de Laurent devient insupportable. Il erre dans Paris, abattu par l’ennui, et ne retourne à l’appartement que pour battre et haranguer Thérèse. (à cause d’une violence particulièrement virulente, la jeune femme fait une fausse couche.) Son état est aggravé par les vestiges et les souvenirs de Camille, y compris la cicatrice sur son cou et le chat toujours aux aguets, François. Un soir d’ennui, pris par une pulsion meurtrière, il saisit le chat de Mme Raquin, le fait tourner et le jette par la fenêtre contre un mur voisin.
Laurent remarque que sa femme a commencé à s’absenter fréquemment et décide de la suivre. Regardant un magasin de vin, il aperçoit Thérèse, habillée de façon provocante et lançant des regards séduisants sur les hommes dans la rue. Il suit sa femme, la voit déchoir dans un groupe de filles et de jeunes hommes qui boivent et fument, il la traque jusqu’à ce qu’ elle disparaisse dans un appartement en compagnie d’un jeune homme.
Les nouvelles pratiques de Thérèse semblent être bien acceptées par Laurent; puisqu’elle s’adonne aux plaisirs sensuels alors peut-être que de son côté il pourrait aussi fermer les yeux sur ce qui le dérange. Plus tard dans la journée, il s’approche de Thérèse et lui réclame demande 5000 francs. La jeune femme s’oppose d’abord à son plan, et annonce même sa détermination à avouer son crime à la police plutôt que de donner à Laurent ce qu’il veut. Finalement, elle cède. Laurent gaspille alors les 5000 francs en alcool et en femmes, pour constater que ces largesses ne lui apportent en fait aucun réconfort.
Les violentes querelles reprennent. A nouveau s’installe une atmosphère de suspicion extrême. Laurent est convaincu que sa femme finira par s’effondrer et se confesser, et Thérèse est persuadée que son mari fera exactement de même. Ils s’espionnent régulièrement l’un l’autre. Épuisés et effrayés, ils se résignent à mettre fin à cet état de souffrance en commettant à nouveau des meurtres. Thérèse aiguise un grand couteau de cuisine qu’elle compte utiliser pour tuer Laurent. Lui de son côté se procure une fiole d’acide prussique par un de ses amis afin d’empoisonner Thérèse.
Encore une fois, les invités du jeudi se sont réunis chez Mme Raquin, et ils profitent de leur meilleure soirée. Le vieux Michaud et Grivet annoncent qu’ils ne se lassent jamais de se présenter au « Temple de la paix » de Mme Raquin, pour reprendre la dénomination de Grivet pour la maison Raquin. Alors que les invités s’en vont, Suzanne informe Thérèse qu’elle sera à la boutique tôt le matin. Celle-ci qui a besoin de temps pour accomplir son meurtre et fuir les lieux - dit à Suzanne d’attendre jusqu’à midi.
Les invités partent. Laurent, Thérèse et Mme Raquin sont seuls devant le lit, et Laurent prépare à Thérèse un verre d’eau sucrée, versant de l’acide prussique dans la boisson. Thérèse récupère son couteau dans sa cachette. Mais flaîrant le danger, Thérèse et Laurent font volte face au même moment et découvrant leurs plans meurtriers. Mme Raquin, tenue en haleine assiste à la scène.
Les deux anciens amants éclatent en sanglots, s’apitoyant l’un sur l’autre. Fatiguée et dégoûtée de leur vie, Thérèse boit la moitié de l’eau empoisonnée et Laurent la termine. Elle s’écroule et ses lèvres viennent se poser sur la cicatrice du cou de Laurent. Mme Raquin reste assise s’assoit pendant douze heures devant ce spectacle, se réjouissant du sort des meurtriers.
Analyse
Avec les dernières étapes du roman, Zola nous rappelle que Thérèse est toujours exactement là où elle en était au commencement. Les descriptions de la crasse et de la noirceur du Passage du Pont-Neuf font leur retour, mais cette fois, les décors ne semblent pas être une injustice pour la femme vivante et passionnée qu’est Thérèse. Maintenant, ces lieux sont en accord avec ce que Laurent et Thérèse sont advenus: «loin de ce passage du Pont-Neuf dont l’humidité et la crasse semblaient faites pour leur vie désolée. Mais ils n’osaient, ils ne pouvaient se sauver”.
Une fois de plus, Thérèse, Laurent et Mme Raquin tentent de nouvelles stratégies, et une fois de plus ne parviennent pas à un véritable changement. Mme Raquin décide de se laisser mourir de faim, mais abandonne sa tentative afin « d’assister au dénouement de la sinistre aventure » et reste dans son rôle de spectatrice passive et haineuse. Thérèse et Laurent tentent tous deux de noyer leurs angoisses dans le vice, mais leurs tentatives ont exactement l’effet contraire. Laurent, pour sa part, trouve que « tout ce qu’il a réussi à faire, c’est de se rendre plus malade » et revient à la colère et la violence.
L’ironie dans tout cela est que Laurent a obtenu exactement ce qu’il veut du meurtre de Camille - une vie d’oisiveté auprès de femmes, facilitée par les 5000 francs de Mme Raquin. Toutefois, il n’est pas en état de jouir de ce qu’il a obtenu, et l’on peut en dire autant de Thérèse. Dans les plaisirs et la convoitise, elle a trouvé des exutoires adaptés à ses instincts de passion animale. Pourtant, le mieux qu’elle puisse vraiment faire de tout cela est de feindre la passion et la joie, dans le prolongement des déceptions qu’elle a supportées toute sa vie.
Cependant, derrière ce vice, se cache une nouvelle ambiance de terreur et de paranoïa. Plus que jamais, Thérèse et Laurent craignent la révélation de leur crime ; ils ne se font plus confiance pour rester à distance de la police, et entrent dans ce que Zola décrit comme « un état de guerre ». Tout cela contraste fortement avec la façon rationnelle dont, plus tôt, les deux complices raisonnaient sur leurs tromperies et leurs stratégies similaires et convenues pour tromper Mme Raquin et les invités du jeudi. Ils ne s’aimaient pas davantage pendant ces phases plus équilibrées , mais au moins il y avait une sorte de confiance torturée, un instinct de conservation. Maintenant, même cela est révolu.
La solution trouvée à cette animosité grandissante est, une fois de plus, ironique. Dans leur scène de mort, Thérèse et Laurent réalisent beaucoup des choses qu’ils avaient râtées mais tenté d’accomplir au début de leur mariage. Ils essayaient malgré eux, et sans succès, de supporter la sensation de la peau de l’autre, mais à présent ils sont spontanément poussés « dans les bras de l’autre, aussi faibles que des enfants » (193). Et alors qu’ils s’effondrent dans la mort, les lèvres de Thérèse s’appliquent contre la cicatrice du cou de Laurent - geste que Thérèse répugnait de leur vivant dans la vie, et qui coïncide avec le dernier moment de paix de Laurent. Ce n’est pas une fin heureuse, mais celle où les conflits irrésolus et les comptes à régler (que pensera Suzanne quand elle découvrira tout cela ?) resteront infimes.