Le langage
Le langage est présenté dès le début du livre comme un reflet de la classe sociale. Ce thème apparaît spécifiquement au travers de l’évocation du patois. Ernaux raconte comment, pour son père, le patois, l’unique langue que parlaient ses parents, est “quelque chose de vieux et de laid, un signe d’infériorité.”. Il refuse obstinément de parler en patois et ne communique qu’en français, même si celui-ci n’est pas bon. L’autrice explique le rapport ambigu de son père au langage, puisque celui-ci, tout en refusant de parler dans le patois de son enfance, déteste les phrases verbeuses et refuse “d’employer un vocabulaire qui n’est pas le sien”. Cette ambiguïté est à l’image du rapport qu’elle entretient avec son père, qui respecte le parcours de sa fille sans toutefois pouvoir pallier à la “distance de classe” qui s’est creusée entre eux. Le langage devient un marqueur de classe difficile à manipuler. Ernaux explicite ainsi : “tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancoeur et de chicanes douloureuses, bien plus que l’argent.”.
L’école
L’école incarne le lieu de la différenciation, de la mobilité sociale. Ernaux explique le rapport ambigu de son père à l’institution, lui-même ayant quitté l’école à douze ans. Au départ, l’école est une source de joie, de renforcement du lien familial, lorsque son père l’y amène en vélo. L’école devient toutefois leur première source de distanciation, d’abord implicitement, son père en parlant avec une “déférence affectée”. Le rôle de l’école dans la distance de classe qui se creuse entre Ernaux et son père est ensuite plus explicite : l’école, pour le père, représente “l’espérance que je serais mieux que lui.”.
Le café-épicerie
Le café-épicerie des parents d’Annie Ernaux représente leur mobilité sociale. En devenant propriétaires d’un fond de commerce, ceux-ci ne sont plus paysans ou ouvriers, mais commerçants, un statut qu’ils vont s’efforcer coûte que coûte de maintenir, essayant de paraître “plus commerçant qu’ouvrier”. Tenir un café “au cœur de la ville, avec une terrasse, des clients de passage, une machine à café sur le comptoir” est le rêve de son père, son accomplissement. Le café-épicerie ne ferme jamais, il représente un pouvoir durement acquis et toujours précaire. Ernaux décrit ainsi comment ses parents cherchent à offrir à leur famille “le spectacle de la profusion”, sans toutefois abuser de leur nouveau statut social, laissant certaines personnes acheter à crédit. Elle écrit ainsi qu’ils vivaient “sur le besoin des autres, mais avec compréhension, refusant rarement de «marquer sur le compte».”. La mobilité sociale implique un changement de paradigme relationnel : ses parents ne sont, dans leurs relations avec les habitants du village, “plus ici du bord le plus humilié.”.
La religion
La religion apparaît en filigrane tout au long du livre. La mère d’Ernaux est plus pratiquante que son père, qui ne va plus à la messe depuis son service militaire. L’autrice fait allusion à la pratique religieuse comme procurant un certain statut social. Sa mère incite son père à aller à l’église afin qu’il “perde ses mauvaises manières (c’est-à-dire de paysan ou d’ouvrier).”. Même dans l’enfance de son père, la religion est un marqueur de la place dans la société : “Comme la propreté, la religion leur donnait la dignité.”.