Cette partie de l’étude de cas traite d’un autre rêve que Dora fait quelques semaines après le premier. Dans ce rêve, Dora marchait dans une ville étrange quand soudain elle se retrouva chez elle. Elle se rendit dans sa chambre et trouva une lettre de sa mère. Cette dernière lui écrivait que son père était mort et qu’elle pourrait venir à ses funérailles si elle le désirait. Dora s’en alla trouver la gare, en demandant aux gens sur sa route sa localisation. Elle demanda une centaine de fois et reçut à chaque fois la même réponse, la gare était encore à cinq minutes de là. Elle marcha ensuite dans une forêt et demanda à un homme qu’elle aperçut. Il lui dit qu’elle était encore à deux heure et demi de là. Dora continua et la gare surgit devant mais elle ne pouvait l’atteindre. Soudain, elle se retrouva chez elle sans se souvenir comment elle était arrivée jusqu’à sa maison. A son arrivée, la bonne lui dit que sa mère était déjà partie pour le cimetière.
Freud tente d’en découdre avec le rêve en s’attelant d’abord au récit de l’errance de Dora dans une ville étrange. Il conclut qu’elle avait sûrement vu les photographies de cet endroit et son hypothèse est confirmée. En cadeau de Noël, Dora reçoit un album d’une station thermale Allemande, contenant des images de la ville. Le cadeau lui a été offert par un jeune ingénieur qui lui faisait la cour avant de gagner sa vie. Cette errance dans une ville étrange peut ainsi être mise en lien avec cet album illustré.
Freud s’intéresse ensuite au contenu de la lettre dans le rêve de Dora et se souvient une lettre précédente qu’elle avait écrit, annonçant à ses parents qu’elle quittait le domicile. Cette lettre avait pour but d’inquiéter son père, pour qu’il termine sa relation avec Frau K.. Freud ajoute que le rêve de Dora prend sa source dans un fantasme de vengeance, dirigé vers son père. Dans son fantasme, Dora avait quitté la maison en l’absence de son père, qui en était mort de chagrin.
Après quelques encouragements de Freud, Dora réalise que le contenu de la lettre dans son rêve ressemble à une autre, l’invitation que Frau K. lui a envoyée pour se rendre à L__. Ceci confirme à Freud que l’incident avec Herr K. a laissé une forte impression à Dora, et il lui demande de décrire l’évènement en détail. Elle lui raconte que dès qu’elle se rendit compte que Herr K. essayait de la séduire, elle lui avait administré une claque. Elle essaya ensuite de repartir seule à L__. En chemin, elle demanda à un homme à combien de temps de là la ville se trouvait, il répondit à deux heures et demie.
Dora ajoute un autre élément au rêve. Elle lui dit que dans le rêve elle se rendit calmement à sa chambre et commença à lire un gros livre qui était sur la table. A ce moment-là, Freud demanda si ce livre était une encyclopédie. Ceci conduit Dora au souvenir d’un temps où un cousin avait eu l’appendicite, et qu’elle avait recherché les symptômes dans une encyclopédie. Freud se rappela alors que peu après cet événement, Dora avait eu des symptômes de l’appendicite. Il demanda à Dora quand la crise d’appendicite avait commencé, elle lui répondit que cela avait démarré neuf mois après l’incident du lac. Il conclut que Dora avait utilisé cet état afin de réaliser un fantasme de grossesse.
Alors que Freud désire analyser le cas d’hystérie de Dora en profondeur, elle décide contre toute attente d’interrompre son traitement. Freud lui demande à quel moment elle avait pris cette décision, ce à quoi elle répond que cela faisait deux semaines. Freud dit à Dora que cela ressemble aux deux semaines de préavis que les bonnes donneraient à leur employeur. Cette remarque pousse Dora à lui raconter quelque chose au sujet d’une gouvernante ayant donné un préavis de deux semaines à Herr K..
La gouvernante avait aussi eu des problèmes avec le séducteur Herr K.. Il lui avait fait des avances, qu’elle avait fermement contrées. La gouvernante raconta à ses parents ce qui c’était passé, et ils lui avaient demandé de revenir à la maison immédiatement. Après que Dora ait raconté à Freud cette histoire, il comprit pourquoi Dora avait donné une claque à Herr K. suite à sa tentative de la séduire près du lac. Elle se sentie outragée qu’Herr K. utilise les mêmes tactiques et les mêmes mots qu’il avait prononcés envers la gouvernante. Freud relève à quel point Dora s’était identifiée à la gouvernante. Elle écrivit une lettre à ses parents après l’incident avec Herr K., tout comme la gouvernante l’avait fait. Dora donna aussi à Freud un préavis de deux semaines avant la fin de la thérapie.
Dora prend en compte les interprétations de Freud, mais elle interrompt tout de même le traitement. Freud est déçu car, alors qu’il pensait résoudre son cas avec brio, elle décida d’arrêter sa thérapie. Il affirme que sa décision était un acte de vengeance de sa part et se demande s’il n’aurait pas pu la persuader de poursuivre, en insistant sur l’importance de la thérapie pour lui.
Analyse
La lutte entre Freud comme analyste et Dora comme analysante touche à sa fin et Dora abandonne son traitement. Tout au long de l’étude de cas, Dora questionne les évaluations de Freud sur ses sentiments et motivations. Elle nie avoir été amoureuse d’Herr K. même si Freud persiste. L’étude du cas met ainsi en évidence une dynamique entre Freud et Dora de conflit de pouvoir. En tant que psychanalyste, Freud possède le pouvoir d’interprétation. Si Dora désapprouve une de ses conclusions, il peut attribuer cette protestation à du déni et ainsi se conforter dans ses points de vue. Freud déclare être capable de lire l’inconscient, ce qui par là-même laisse à Dora peu de pouvoir pour s’affirmer. Sa décision d’interrompre le traitement est peut-être une tentative de reprendre le contrôle sur sa propre vie.
Freud a peut-être raison dans son assertion que la décision de Dora est un acte de vengeance. Elle refuse à Freud la chance d’achever son étude et renverse la dynamique des pouvoirs qui existait dans le début de son traitement. A la fin, c’est Freud qui se retrouve démuni – insatisfait de sa recherche et déçu de ne pouvoir poursuivre son analyse.
Dora a été l’objet de grande attention de la part des femmes universitaires. Beaucoup ont accusé Freud d’avoir traité le cas de Dora de manière sexiste. L’affirmation que Dora a dû être hystérique pour résister aux avances d’Herr K. rejette la possibilité d’une activité sexuelle féminine. Depuis le début Freud ne considère pas que Dora puisse résister à Herr K.. Pour lui, cette résistance cache seulement le fait qu’elle le désire toujours inconsciemment.
La lutte de Dora contre les figures d’autorité masculine va au-delà de Freud. Son père l’emmène chez le psychanalyste contre ses propres inclinations. Herr K. fait des avances répétées en dépit de ses refus. L’hystérie elle-même peut-être une manifestation contre la domination masculine dans la société. Plusieurs chercheurs ont perçu l’hystérie comme une forme de résistance passive des attentes des femmes du dix-neuvième siècle.
Un autre facteur dans la relation entre Dora et Freud est le transfert. Même si ce transfert peut avoir des effets positifs, Freud pense que dans ce cas, les sentiments du transfert n’étaient pas bien pilotés. Freud admet qu’il ne réalisait pas que Dora l’avait identifié à Herr K. et essayait de rejouer ses pensées inconscientes de vengeance envers lui-même. Après la fin du traitement, Freud se demande s’il n’aurait pu peut être tirer avantage du transfert pour continuer son traitement. Il pense qu’il aurait pu réussir à la faire se raccrocher, s’il avait malhonnêtement insisté sur l’importance de la poursuite du traitement pour lui-même. Ceci soulève la question de savoir si Freud voulait continuer le traitement pour aider Dora à se soigner de ses symptômes hystériques ou d’achever l’étude de cas. Les deux intentions ne s’excluent pas l’une l’autre, mais Freud semble prendre la décision du départ de Dora plus difficile qu’elle n’aurait dû.