L'Histoire de la folie à l'âge classique

L'Histoire de la folie à l'âge classique Résumé et Analyse

Les chapitres 7 et 8 sont la dernière étape de l’étude de la transformation de la folie à l’âge classique. C’est à ce moment qu’elle devint alors quelque chose qui devait être isolé des autres vices et déviances, comme la pauvreté. Dans le chapitre 7, “La grande peur”, Foucault commence par analyser la peur croissante des hôpitaux et des maisons d’enfermement qui se développa au milieu du XVIIIe siècle. Les citoyens commencèrent à penser que ces lieux nourrissaient le mal plus qu’ils ne l’isolaient et que la société serait bientôt contaminée par les maux qui s’y développaient. Puisqu’il était impossible de se débarrasser de l’enfermement, il fallut trouver une façon de le neutraliser.

On tenta donc de réformer les hôpitaux et de se débarrasser des maux qu’ils avaient créés. Dans ce cadre, on visa tout particulièrement la folie en elle-même, non pas parce qu’elle était associée au crime mais parce qu’on pensait qu’elle était contagieuse. Contrairement au crime, qui était connu depuis longtemps, la folie était perçue comme quelque chose de nouveau. De nouvelles théories ont donc vu le jour pour expliquer pourquoi la folie se répandait aussi vite, et on commença à la comprendre comme un problème qui touchait une époque en particulier, et non l’espèce humaine en général.

Plusieurs théories sur la contingence historique de la folie virent le jour. La folie fut d’abord liée à la liberté, à une sorte d’hédonisme par lequel les gens devenaient fous en souhaitant toujours plus. Elle fut également reliée à la religion, qui réprimait les désirs des individus et les aliénait. Enfin, elle fut associée à l’essor de la civilisation en elle-même. Le fait que la science et la connaissance soient devenues plus abstraites aurait poussé les gens à vivre à travers leur esprit plus qu’à travers leur corps, ce qui les aurait éloignés du monde réel et rendus fous. Dans ces trois cas - liberté, religion et civilisation - la folie est comprise comme une perte de sens du soi au profit de désirs et d'abstractions tournés vers l’extérieur.

Il est important de réaliser à quel point la conception de la folie a évolué depuis le début du livre. La folie était d’abord reliée à l’animalité, à un péché originel inhérent à la personne humaine. Puis, au début du XVIIIe siècle, on expliqua que la la folie consistait à sortir de soi au lieu de se renfermer sur soi, et était due à une distance imposée entre l’homme et lui-même, par exemple en raisons de désirs inassouvis, de la religion, de l'abstraction et de la connaissance.

Cela contribua également à la différenciation du prisonnier et du fou, et à la façon dont ils furent traités, comme l’explique Foucault dans le chapitre 8, “Le nouveau partage”. On pourrait penser que les fous étaient mieux traités que les prisonniers car les premiers n’étaient pas responsables de leur état et les seconds avaient choisi de commettre des crimes. Pourtant, le raisonnement inverse prévalait au XVIIIe siècle. Si les fous étaient malades et peut-être contagieux, alors les prisonniers devaient en être protégés : on isola les fous pour sauver les criminels. Cela signifie aussi que la catégorie plus large de la déraison, qui unissait tous les déviants - les vagabonds, les fous, les pauvres et les criminels - était maintenant scindée en plusieurs parties. La folie était devenue un évènement à part entière, un danger particulier qui nécessitait un confinement particulier.

Cet isolement entraîna un changement dans la façon dont les gens percevaient la pauvreté. Alors que les hôpitaux avaient été créés pour confiner les pauvres, et que les fous et les autres avaient ensuite été enfermés avec eux, la pauvreté commença au XVIIIe siècle à être perçue comme une nécessité économique plutôt que comme un échec moral individuel. Dans les sociétés capitalistes modernes, il était courant que des citoyens soient au chômage à un moment donné, mais les sociétés industrielles avaient aussi besoin d'autant de travailleurs que possible. Ainsi, au lieu d'emprisonner les chômeurs, il furent réintégrés dans la société pour pourvoir des emplois. C'est pourquoi le renfermement des pauvres était absurde : à la fois parce que cela privait la société de travailleurs, et parce que même s'il n'y avait pas assez de travail, les pauvres n’y étaient pour rien.

Il ne resta donc plus dans les hôpitaux que les aliénés, qu'il fallait continuer à enfermer et isoler pour que leur folie ne se propage pas aux autres. Le grand renfermement était terminé, et l’incarcération ne servait plus qu’à contenir le fou : l’incarcération et la folie commencèrent à aller de pair.

Analyse

Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment la folie est passée de la description par le langage - la façon dont les gens parlent de la folie - à la manifestation par le langage - la folie n’obéit pas aux règles grammaticales et de logique. Il y a donc un discours sur le fou, puis un discours du fou. Nous constatons un phénomène similaire avec les confinements : la folie était d’abord enfermée, puis elle est devenue l’enfermement lui-même, tel un blocage de votre propre cerveau coupé du monde. L'emprisonnement est à la fois une réalité physique et la métaphore d'un état psychologique.

Un autre thème abordé dans le chapitre précédent concernait la difficulté de dissocier les causes physiologiques et psychologiques de la folie, puisque le concept de psychologie n'existait pas encore. Foucault met en garde contre l'établissement de distinctions fondées sur notre propre ensemble de connaissances plutôt que sur la compréhension de l'histoire. Il en va de même de la distinction entre les différentes sortes de "griefs sociaux". Initialement, la pauvreté, le crime et la folie étaient tous regroupés en une seule catégorie, mais la folie commença à se différencier de ces phénomènes. La distinction est également influencée par d'autres idées, en particulier par le sentiment que les personnes atteintes de maladie mentale, comme les chômeurs, n'apportaient rien à la société. À la fin de la période étudiée par Foucault, la folie a ses propres caractéristiques et a besoin de ses propres remèdes.

Concernant la relation entre le pouvoir et la connaissance, il est nécessaire de noter qu’au fur et à mesure que de nouveaux concepts, de nouvelles connaissances se forment, de nouveaux systèmes de pouvoir se forment également. La folie, par conséquent, exige son propre enfermement et sa propre discipline, car elle est différente de la pauvreté et du crime. De nouvelles façons de classer les gens créent de nouvelles façons d'exercer le pouvoir.

Ces chapitres soulignent le fait que l’histoire n’est pas toujours progressive. Nous pensons parfois que les choses « s’amélioreront » avec le temps, ou que l'humanité deviendra plus civilisée au fur et à mesure que l'histoire avancera. Dans cette hypothèse, on pourrait d'abord penser que séparer le prisonnier du fou est une manière plus humaine de traiter ce dernier, car il n’est pas responsable de ses actes. L'étonnante découverte de Foucault est qu'au départ, les gens pensaient qu'il fallait protéger les criminels des fous, et non l'inverse. Cela s'explique par l'attention particulière accordée à la folie en tant que menace unique en son genre, couplée à l'émergence de nouvelles connaissances à son sujet. L'isolement des malades mentaux est donc plus politique que caritatif, plus répressif que libérateur. Un autre élément d'ironie dans ces chapitres concerne la relation entre la folie et la civilisation elle-même. Nous avons tendance à considérer la civilisation comme une marche vers une pensée plus logique et des systèmes plus ordonnés. Par conséquent, à mesure que la civilisation progresse, la folie devrait disparaître. Au contraire, Foucault souligne que la civilisation a besoin du concept de folie pour faire sens, et s’intéresse donc de plus en plus à ce phénomène. De plus, les gens commencèrent à voir la folie comme un résultat de la civilisation, plutôt que comme quelque chose qui cause son déclin. Ainsi, au cœur de ces chapitres se trouve un paradoxe : la folie est à la fois étrangère à la civilisation et causée par la civilisation.