L'Histoire de la folie à l'âge classique

L'Histoire de la folie à l'âge classique Images

Les lieux d’enfermement inutilisés

Le livre débute par un propos sur la persistance des léproseries malgré le fait que la maladie ait été éradiquée :

“ À la fin du Moyen Age, la lèpre disparaît du monde occidental. Dans les marges de la communauté, aux portes des villes, s'ouvrent comme de grandes plages que le mal a cessé de hanter, mais qu'il a laissées stériles et pour longtemps inhabitables. Des siècles durant, ces étendues appartiendront à l'inhumain. Du XIVe au XVIIe siècle, elles vont attendre et solliciter par d'étranges incantations une nouvelle incarnation du mal, une autre grimace de la peur, des magies renouvelées de purification et d'exclusion.” (13)

Foucault décrit ici une image “obsédante” d'espaces destinés à enfermer les gens mais dépourvus de sujets. Cette image suggère que la société a dû créer de nouvelles catégories de personnes à enfermer afin de remplir ces lieux. Elle a besoin d’enfermer un “autre” afin d’être mieux organisée, et ce rôle fût assigné aux fous.

La folie vue comme un spectacle

Foucault soutient que la folie était l’une des composantes de la catégorie de la déraison, comme la pauvreté et la criminalité, mais qu’elle avait une relation particulière avec le public. La folie était perçue comme un spectacle à exposer plutôt que comme un secret à cacher :

“ Or, dans cette mise au secret, il y a une exception. Celle qu'on ménage pour les fous 3. C'était sans doute une très vieille habitude du Moyen Age de montrer les insensés. Dans certains des Narrtürmer d'Allemagne, on avait établi des fenêtres grillagées qui permettaient d'observer de l'extérieur les fous qu'on y avait attachés. Ils formaient ainsi spectacle aux portes des cités. Le fait étrange, c'est que cette coutume n'ait pas disparu au moment où se refermaient les portes des asiles, mais qu'elle se soit au contraire développée, prenant à Paris et à Londres un caractère quasi institutionnel” (161)

Cet extrait montre à quel point la folie était mise en scène, notamment grâce à des éléments architecturaux. Le fait de voir les fous au travers de barreaux, comme des animaux dans un zoo, contribua à la fascination du public pour la folie.

L'image du jugement

Dans cette citation, Foucault nous donne un aperçu de l’asile tel que pensé par Pinel, où les patients étaient soumis à un “jugement perpétuel” :

“On profite de la circonstance du bain, on rappelle la faute commise, ou l'omission d'un devoir important, et à l'aide d'un robinet on lâche brusquement un courant d'eau froide sur la tête, ce qui déconcerte souvent l'aliénée, ou écarte une idée prédominante par une impression forte et inattendue; veut-elle s'obstiner, on réitère la douche, mais en évitant avec soin le ton de dureté et des termes choquants propres à révolter; on lui fait entendre au contraire que c'est pour son propre avantage et avec regret qu'on a recours à ces mesures violentes ; on y mêle quelquefois la plaisanterie, en prenant soin de ne pas la porter trop loin” (517)

On déduit de cette illustration que le patient de l’asile de Pinel devant se sentir jugé en permanence, afin de se confronter à ses échecs moraux et de les surmonter.

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