La Compagnie du Saint-Sacrement était une société secrète du XVIIème siècle qui, grâce à l'influence de ses membres, tant religieux que laïcs, orchestrait des campagnes visant à imposer la pureté morale et religieuse. Elle a été la principale organisation à demander la censure du Tartuffe, après avoir critiqué, quelques années auparavant, L'école des femmes, une autre pièce de Molière.
La Compagnie a été fondée en mars 1630 au couvent des Capucins par Henri de Levis, Henri de Pichery, Jacques Adhémar, Monteil de Grignan et Philippe d'Angoumois. Pichery était un officier de la maison de Louis XIV et Grignan est par la suite devenu évêque. L'organisation était structurée avec un conseil de neuf membres désignés pour trois ans. Ce conseil comprenait un supérieur laïc et un prêtre qui assumait les fonctions de directeur spirituel. La société visait à protéger l'Église et organisait également des actes de charité. Le baron de Renty dirigea la société de 1639 jusqu’à sa mort, en 1649.
La Compagnie du Saint-Sacrement était une société secrète mais Louis XIV en connaissait l’existence et la soutenait discrètement. Le Pape ne l'a jamais reconnue officiellement bien que Guido Bagni, le nonce apostolique représentant la Papauté en France de 1645 à 1656, ait assisté occasionnellement à des réunions. Les nouveaux membres de la Compagnie étaient élus par le conseil. Les questions importantes et/ou controversées n'étaient pas discutées par l'ensemble du groupe, mais uniquement lors des réunions du conseil. Aucun procès-verbal n'était rédigé. Plus de cinquante succursales existaient en dehors de Paris.
La Compagnie s'efforçait d'encourager la moralité chez les laïcs et au sein du clergé. Elle s’est impliquée dans des projets de réforme des hôpitaux, des prisons et a œuvré pour l'accès de tous à la justice. La Compagnie était également une organisation charitable qui s’est occupée de blessés de guerre et proposait des soins gratuits pour les pauvres.
La Compagnie a ardemment milité contre le protestantisme. Elle s’est opposée fermement à tous les spectacles qui semblaient se moquer de la religion. Tartuffe en est un exemple. La Compagnie n’a pas porté attention au fait que Molière critiquait l'instrumentalisation de la religion plus que le catholicisme lui-même.
La Compagnie connaît un déclin notable en 1660. Elle est accusée de diffamation par Charles du Four, abbé d'Aulnay, et dénoncée par l'archevêque de Rouen. La dernière réunion a lieu le 13 décembre 1660, lorsque le conseil décide de ne se retrouver que ponctuellement. Un décret du roi est publié le même jour pour interdire les sociétés illicites. Lamoignon, l'un des membres, parvient à exploiter un vide juridique qui permet à la Compagnie de continuer à dénoncer les œuvres de Molière. La version complète de Tartuffe ne sera ainsi pas produite en public avant 1669.
En 1666, la Compagnie disparaît définitivement.