Lolita (en français)

Lolita (en français) Résumé et Analyse

Chapitre 11 à 12

Un jour, inquiète du comportement de Dolorès, la directrice Pratt convoque Humbert. Elle craint que la jeune fille ne soit sexuellement et socialement refoulée, et que la sévérité de son père en matière de fréquentations n'y soit pour quelque chose.

Elle lui demande de laisser sa fille participer à la pièce de théâtre de l'école, Les Chasseurs enchantés (The Enchanted Hunters en anglais). Il accepte, craignant qu'elle ne remarque quelque chose d'anormal. Avant de quitter l'école, il rend visite à sa fille en classe, où il lui donne quelques centimes pour une caresse.

Après qu'elle se soit remise d'une fièvre, il l'autorise à organiser une fête avec des garçons dans la maison. Toutes les quarts d'heure, il invente un prétexte pour descendre et vérifier ce qui se passe. La fête est un échec et, une fois terminée, la jeune fille déclare que les garçons la dégoutent. Ravi, il lui achète une bicyclette, une nouvelle raquette de tennis et un livre d'histoire de la peinture.

Analyse

Dans ce chapitre, nous avons un aperçu des dommages psychologiques infligés à Dolores. En abusant d'elle, Humbert en a fait une marginale comme lui : asociale, sa vie est aussi factice que celle de son père. Plutôt que de s'inquiéter pour son bien-être, il en est soulagé et la récompense en lui offrant des cadeaux.

La réapparition du nom « The Enchanted Hunters », l'hotel où il l'a violé pour la première fois, nous la puce à l'oreille.

Chapitre 13

Dolorès obtient le rôle principal et commence à répéter The Enchanted Hunters. La pièce raconte l'histoire d'une jeune fille de fermier hypnotisant des chasseurs égarés dans les bois, qui finit par rencontrer un jeune poète ne pouvant être hypnotisé, et qui tente de la convaincre qu'elle est en fait le fruit de son imagination. Le message de la pièce est « mirage et réalité se fondent dans l'amour ».

Humbert remarque la coïncidence entre le nom de la pièce et le nom de l'hotel, et est ravi lorsqu'elle le lui fait remarquer aussi.

Analyse

Le message de la pièce reflète la structure du roman. La Lolita de du narrateur n'est pas tout à fait la « vraie » Dolorès, mais plutôt une image d'elle modifiée par son imagination, passionnée et rongée par la culpabilité. Dans la pièce de théâtre, le poète échappe à l'envoûtement de la jeune fille en l'envisageant comme un produit de son imagination. De la même manière, Humbert tente de transformer la vraie Dolorès en sa propre création littéraire, ce qui lui permet d'abuser d'elle sans remords.

Quant Dolorès en pointe du doigt le titre, elle l'indique comme étant « l'hôtel où tu m'as violée » - c'est l'une des rares mentions du livre ou est nommé la réalité de ce qu'elle a subit, et continue de subir.

Chapitre 14

Un soir, alors qu'il joue aux échecs, Humbert reçoit un appel de la professeur de piano qui lui apprend que sa fille n'a pas assisté aux deux dernières séances. Cette dernière prétexte qu'elle répétait avec Mona, qu'il l'appelle pour confirmer l'histoire, mais ne lui fait pas confiance. Il l'accuse de mentir, et d'avoir tout dit à Mona à propos d'eux.

Ils ont une grosse dispute au cours de laquelle Dolorès le traite de violeur, l'accuse d'avoir tué sa mère et menace d'avoir des relations sexuelles avec le premier homme qui le lui demandera. Il tente de l'empêcher de s'enfuir de la maison, ne stoppant que lorsqu'un voisin téléphone pour se plaindre du bruit.

La jeune fille profite du tapage pour s'enfuir, et il la poursuit à pied, la retrouvant dans une cabine téléphonique. Elle raccroche rapidement, prétendant qu'elle essayait de le joindre à la maison. Elle déclare qu'elle déteste l'école et qu'elle veut repartir en voyage avec lui, à condition que ce soit elle qui décide où. De retour à leur domicile, Humbert couche avec elle en pleurant.

Analyse

Leur façade de vie ordinaire s'effondre à mesure qu'on comprend qu'elle complote quelque chose ; la défaite d'Humbert au jeu d'échecs symbolise sa chute.

Comme auparavant avec Charlotte, un appel téléphonique l'empêche de retenir Dolores qui s'enfuit de la maison. Il est de plus en plus évident qu'elle est consciente de la situation qu'elle subit, contrairement à ce que l'on a pu nous faire croire. Elle décrit les événements différemment de la manière dont le narrateur nous les a présentés, le traitant de violeur, alors qu'il prétend que c'est elle qui avait eu l'initiative des rapports sexuels.

Voilà un aperçu des émotions et du point de vue de Dolorès, qu'on a tenté de nous dissimuler.

Son soudain changement d'attitude est suspect - il devrait être clair qu'elle manipule Humbert, même aux yeux de ce dernier. La façon dont il accepte son explication sans poser de questions montre à quel point ses sentiments faussent sa perception et son jugement - elle était probablement au téléphone avec Clare Quilty, planifiant son évasion avec lui.

Chapitre 15

Inventant une excuse, Humbert quitte Beardsley avec Dolorès. Alors qu'ils partent en voiture pour ce second road-trip - qu'elle a soigneusement planifié - son professeur de théâtre les aperçoit et se désole du départ de la jeune fille, d'autant que le dramaturge l'aimait beaucoup. Lorsque son père lui demande de qui il s'agit, elle lui répond : « Une vieille rombière, Clare Quelquechose, je crois ».

Il se réjouit qu'elle ait renoncé à la pièce de théâtre, néanmoins, il ne peut s'empêcher de se demander pourquoi - s'inquiétant de ses brusques changements d'avis et d'humeur, contre lesquels il la met en garde.

Analyse

Le nom de Clare Quilty apparaît, sans grande explication, depuis le début du roman. On apprend par la suite que Dolorès le connait bien, et a planifié son évasion lors des répétitions. La rencontre avec sa professeure nous permet de constater ses talents d'actrice, qui l'aident à tromper Humbert en racontant que Clare est une femme.

Celui-ci prend son plan d'évasion pour un simple penchant à changer d'avis. L'image qu'il se fait d'elle comme étant une nymphette espiègle - et non un être humain capable de penser, planifier et ressentir comme lui - l'empêche de voir clair dans cette situation.

Chapitre 16-17

Nos protagonistes partent vers l'ouest. Ils traversent une ville proche de Pisky, la ville natale de Dolorès dans le Midwest, mais ne s'y rendent pas. Bien qu'Humbert la surveille de près pendant leur voyage, elle s'éclipse pour aller aux toilettes pendant une escale à une station-service. Il remarque rétrospectivement qu'il aurait dû comprendre qu'elle profitait de ce moment pour téléphoner. Plus tard, en rentrant du coiffeur, il soupçonne qu'elle soit sortie en son absence et la déshabille pour tenter de démasquer son infidélité.

Se méfiant de plus en plus de la jeune fille, il décide de rester au motel pour une nuit supplémentaire. Il a l'impression que l'étau de son destin se resserre sur lui, et se rassure en vérifiant son revolver, ayant auparavant appartenu à Harold Haze. Il remarque avec sarcasme que cette arme est « le symbole freudien du membre antérieur central du père ancestral ».

Analyse

Une fois de plus, un incident important se produit en lien avec les toilettes et le téléphone - un schéma reconnu par notre narrateur. Racontant quelque chose qu'il remarque à postériori, ce qu'il fait tout au long du roman, il tente d'accepter la perte de sa Lolita en comprenant ce qui s'est réellement passé pendant qu'ils étaient encore ensemble.

Il l'empêche de voir sa ville natale : en l'enlevant, il a fait d'elle une vagabonde sans foyer, comme lui. La voiture rouge apparue à l'hotel The Enchanted Hunter réapparaît ici. La poursuite par Humbert de « l'ombre de son infidélité » confirme la présence de Quilty, puisque le Doppelgänger est souvent décrit comme l'ombre du protagoniste.

Nabokov se moque de la psychanalyse qui établit un lien symbolique entre les pistolets et les organes génitaux masculins. Une fois de plus, notre protagoniste envisage son destin comme une force obscure complotant sa chute, racontant son histoire comme tout en étant conscient d'être un personnage de roman.

Chapitre 18

Alors qu'ils roulent toujours vers l'ouest, Humbert est préoccupé par la décapotable rouge qui les suit et dont le conducteur lui rappelle son oncle, Gustave Trapp, et s'inquiète qu'il puisse s'agir d'un inspecteur de police. Il commence à avoir ce qu'il pense être des hallucinations : une nuit dans un motel, il se retrouve nu et debout à l'extérieur, avec un homme masqué qui le regarde. Lors d'un arrêt dans une station-service, il surprend Dolorès en train de parler à un chauffeur et commence à soupçonner qu'elle le connaisse.

Il s'inquiète de plus en plus de la bonne humeur et de l'attitude taquine de sa captive à l'égard de leur poursuivant. Alors qu'il a enfin semé la décapotable, il redevient méfiant après qu'ils aient assisté à une pièce de théâtre par Vivian Darkbloom et Clare Quilty. Alors qu'ils partent, Dolorès est radieuse devant la scène où les réalisateurs font leur apparition. Humbert l'interroge à propos Quilty, dont elle avait un poster dans sa chambre lorsqu'elle était enfant, mais elle détourne sa question en lui demandant s'il parle dentiste de Ramsdale qui portait le même nom, affirmant que l'homme sur scène est Vivian tandis que Clare est l'auteur féminin.

Analyse

Emporté par la jalousie, les émotions d'Humbert l'empêchent de faire la distinction entre réel et imaginaire. La couleur rouge de la décapotable, rappelant les lèvres et les pommes, peut symboliser le péché, la sexualité et l'infidélité. Les voitures de course ont également une connotation sexuelle, surtout dans l'Amérique des années 1950. Il est ironique qu'il prenne Quilty pour un policier. Après la disparition de Dolorès, les rôles s'inversent et il devient lui-même détective de facto pour tenter de découvrir l'identité du mystérieux conducteur.

Dolorès semble envoûtée, comme hypnotisée par la pièce de théâtre. Il devient de plus en plus évident qu'elle connaît intimement Clare Quilty : en l'associant à son alter ego Vivian Darkbloom (anagramme de Vladimir Nabokov), l'auteur souligne le rôle de ce dernier en tant que tourmenteur de notre narrateur, semblable à son propre rôle en tant que romancier. Quilty est l'agent provocateur du destin de notre protagoniste, tout comme Nabokov est responsable du destin de tous ses personnages. En mentionnant ses apparitions plus tôt dans le roman, l'auteur nous invite à revenir en arrière et à remarquer les indices éparses qui apparaissent tout au long du texte.

Au court de ce deuxième périple, bien que notre attention soit moins portée sur le thème du désir, quelque mentions furtives nous montrent que notre narrateur continue d'abuser de Dolorès quotidiennement. La poussant vers la sortie après la pièce de théâtre, il se dit mu par un « empressement amoureux bien naturel à la ramener à notre bungalow bleu néon » : ici encore il justifie bien souvent sa pédophilie sous couvert de pulsion, du devoir d'assouvir un besoin naturel.

Chapitre 19

Nos protagonistes relèvent leur courrier et Dolorès reçoit une lettre de Mona Dahl. Soupçonneux, Humbert lit la lettre avant de la lui donner, mais lorsqu'il se redresse après sa lecture, l'enfant a disparu. Paniqué, il imagine qu'elle lui a définitivement échappé, mais il la retrouve à l'extérieur. Elle prétend être tombée sur un ami de Beardsley, mais un interrogatoire plus poussé révèle quelques incohérences. Menaçant, il déclare avoir relevé la plaque d'immatriculation de la décapotable rouge, mais lorsqu'il tente de le lui montrer, à sa grande surprise, le numéro a été effacée. Une fois qu'ils ont quitté la ville, Humbert la gifle.

Confus entre imagination et réalité, il voit leur poursuivant partout. Lors d'une crevaison, il décide d'affronter ce dernier, qui s'est garé loin derrière lui en lui demandant un cric. Mais alors qu'il marche, sa voiture se met à rouler en avant. Dolorès affirme qu'elle s'est mise en mouvement toute seule ; pendant ce temps, leur poursuivant a fait demi-tour et s'est éloigné à toute vitesse.

Analyse

Mona répète « Qu'il t'y » dans sa lettre, une référence volontaire à Quilty qui renforce l'idée qu'elle était au courant de son existence et qu'elle a probablement aidé à couvrir Dolores. Comme c'est souvent le cas dans Lolita, un événement important du roman - la disparition de notre héroïne - se produit presque, juste avant de se produire pour de vrai. Ce procédé, utilisé pour créer un climat de tension, est si fréquemment employé qu'il en devient parodique.

La jalousie d'Humbert atteint son paroxysme, un renversement ironique de sa relation avec la mère de Dolorès. Est ainsi déployé l'un des grands thème du roman : l’obsession du désir est source d'illusions, rendant la réalité et le fantasme difficiles à départager.

Le pneu crevé suggère que leur voyage touche à sa fin. Quilty échappe encore et toujours à son emprise, caractéristique qui prendra une ampleur extrême dans le dernier chapitre du roman. La folie croissante de notre protagoniste l'induit progressivement à la violence, qui devient la force directrice du roman, autrefois portée par le désir charnel.

Chapitre 20-21

Humbert le narrateur regrette d'avoir permis à Dolorès de faire du théâtre et d'apprendre ainsi l'art du mensonge. Il déplore de ne pas l'avoir filmée pour pouvoir la revoir et spécule qu'elle aurait pu devenir championne de tennis s'il ne l'avait pas abusée et brisé son mental.

Il raconte comment pendant une de leur partie dans le Colorado, à l'hôtel où ils séjournent, deux jeunes gens s'approchent et demandent à jouer.

Un coup de téléphone, s'avérant être une farce, amène Humbert à se rendre dans le hall et en regardant par la fenêtre, il voit qu'un troisième homme s'est joint à la partie. Ce dernier ri avec Dolores, lui tape sur le derrière avec sa raquette et s'en va. Il se précipite sur le terrain, en larmes, et demande une explication à la jeune fille qui n'en donne aucune et part nager à la piscine.

Dans le chapitre suivant, devenu fou d'angoisse, il s'attend à ce qu'elle tente de s'échapper à tout moment. Un matin, au bord de la piscine d'un motel, il est alarmé par un homme étrange qui la regarde jouer avec un chien. L'homme se met à ressembler à son oncle, Gustave Trapp : Humbert est encore plus alarmé lorsqu'il se rend compte que Dolores est consciente du regard de cet inconnu, et qu'ils semblent partager une sorte d'entente tacite. L'homme voit qu'il l'a remarqué, et retourne à la piscine. Humbert se soudainement mal et se met à vomir, pendant quoi il remarque l'air suspicieux et calculateur de Dolorès.

Analyse

Le jeu d'acteur et le théâtre deviennent des thèmes de plus en plus importants à mesure que le dernier chapitre approche. Tout comme elle a joué dans la pièce de Quilty, The Enchanted Hunters, Dolorès joue le drame de son évasion sur les instructions du dramaturge. Humbert voit dans ses talents de comédienne une sorte de perte d'innocence. Alors que le moment de sa disparition approche, le narrateur commence à éprouver des remords pour ce qu'il a fait, se demandant ce qu'elle aurait pu devenir s'il n'était pas intervenu dans sa vie.

Dans ce chapitre, les tentatives d'évasion se poursuivent, dans une parodie de tension romanesque. Le faux appel téléphonique poursuit le schéma des toilettes et des téléphones. Tout au long du roman, le protagoniste se victimise, se présentant comme un amant hystérique et sentimental. Il s'agit à la fois d'une parodie de romans d'amour et d'un effort d'auto-justification : il tente d'attirer la sympathie de ses lecteurs en se présentant comme faible, désespéré, et surtout amoureux de l'enfant qu'il a pourtant kidnappée et violée.

Sa jalousie est telle que les hommes qu'il surprend à regarder Lolita lui apparaissent comme des satyres, créatures de la mythologie connues pour leur insatiable désir sexuel (et généralement associées à des nymphes). Une fois de plus, il n'arrive pas à faire la différence entre la réalité et le fantasme. Ironiquement, l'homme qu'il voit est probablement son véritable rival. L'une des principales ironies de Lolita est que les soupçons insensés du narrateur se révèlent souvent être vrais. Lorsqu'il est malade, nous sommes censés suspecter que Dolorès et Quilty sont en train de l'empoisonner, un autre renversement ironique de la première partie dans laquelle il prévoyait d'administrer des sédatifs à la mère et sa fille. On retrouve le thème de l'innocence perdue : elle est devenue comploteuse et empoisonneuse, comme le narrateur lui-même.