Guide d'étude - Le Prince
En 1511, Machiavel était un fonctionnaire florentin respecté. Il était un agent de Piero Soderini, chef du gouvernement de la République florentine, très estimé en tant que diplomate et philosophe politique. En 1512, le gouvernement républicain renforça son alliance avec la France, malgré les objections de Machiavel. Lorsque les Français les abandonnèrent, Florence se retrouva seule face au pape qui cherchait à reconquérir les États pontificaux avec le soutien de l’Espagne. L'infanterie espagnole écrasa les armées florentines et la république s'effondra. Les Médicis, une famille puissante qui avait autrefois gouverné la ville, revinrent au pouvoir. Machiavel suspecté d’avoir comploté contre eux fut emprisonné et torturé, puis ensuite exilé. C’est pendant cette période qu’il écrivit Le Prince.
Le livre s’adresse indirectement aux Médicis et est offert en cadeau à Lorenzo de Médicis, alors dirigeant de Florence. Il ne permit toutefois pas à Machiavel de retrouver son ancienne position politique. Le livre ne fut pas publié avant sa mort, en 1532. Depuis lors, cependant, il a considérablement gagné en importance et est aujourd'hui considéré comme un traités politique majeur.
Le Prince définit la politique comme un domaine spécifique, en contraste avec la vision chrétienne dominante. Bien que Machiavel considère qu’il est souhaitable de trouver en un dirigeant les qualités auxquelles aspirent les chrétiens, il soutient que cette aspiration n’est pas réalisable : ce que les humains, dirigeants politiques ou pas, devraient faire, d'un point de vue moral, n'est pas aussi efficace que ce qu’ils font réellement. Dans une société dominée par des actes mauvais, la vertu consiste à renoncer à ce qui devrait être moralement fait pour agir de manière à réussir. Pour Machiavel, la vertu est le contrôle du destin, quels que soient les moyens employés.
Machiavel affirme que des choix éclairés mèneront aux fins désirées. Sa stratégie politique se base sur l’étude des causes et des effets pour déterminer les décisions à prendre. Machiavel se concentre sur la recherche de l’obtention du pouvoir, sur la sécurité et sur l'honneur. Bien que le chemin vers le pouvoir soit semé d'obstacles et de dangers, les dirigeants politiques doivent les surmonter avec prudence et perspicacité.
Pour Machiavel, la nature humaine dicte la réalité politique. Ce que Machiavel considère comme nécessaire dans une situation donnée est ce qui permet au pouvoir de conserver sa stabilité politique. Machiavel considère que les humains sont naturellement mauvais et qu’une gouvernance efficace nécessite par conséquent des mesures sévères. En égalant la vertu et le pouvoir et en justifiant la cruauté comme moyen de stabilité politique, Machiavel établit un nouveau système moral. Les actions et les intentions ne sont plus intrinsèquement bonnes ou mauvaises, mais sont jugées en fonction de leur utilité pour atteindre certaines fins. Machiavel cherche à redéfinir ce que nous devrions considérer comme acceptable.
Machiavel s’écarte ainsi de la notion classique de vertu enseignée par la religion en faveur d'un système séculier basé sur l’intérêt personnel. Dans cette conception, les idéaux sont jugés en fonction de leur utilité. En rendant acceptable toutes les mesures efficaces pour accéder au pouvoir politique, Machiavel approuve des actes autrefois ou à présent condamnés. C'est sans doute la raison pour laquelle il est considéré comme l’un des plus célèbres philosophes politiques, mais aussi l’un des plus critiqués.
Malgré sa popularité généralisée, Le Prince reste un livre controversé. Certains le qualifient de manifeste réaliste mais immoral ; d'autres y voient une expression glorieuse de l'humanisme et de l’individualisme. Le Prince est aussi un récit personnel, imprégné des souffrances de la torture, de l'emprisonnement et de l'exil, écrit à la première personne. Le mot “ machiavélique ” est entré dans le dictionnaire ; des passages particulièrement crus font encore polémique. Pourtant, le livre est un objet plus mystérieux que ne le laissent entendre ces commentaires. Court, simple, avec des arguments clairement articulés, il aborde des questions philosophiques profondes qui dépassent la sphère politique et continuent d’intriguer les théoriciens contemporains.