Huis clos a été joué pour la première fois au théâtre du Vieux-Colombier à Paris, en mai 1944, trois mois avant la libération. D'une simplicité étonnante, la pièce tire sa force de sa forme. Trois personnages sont piégés en enfer. On n’y aperçoit ni flammes, ni instruments de torture: l’enfer est un salon meublé à la mode du Second Empire, sans fenêtres ni miroirs. Il n’y a aucun signe du monde extérieur, à l'exception d'une seule porte verrouillée.
Sartre méprisait les valeurs bourgeoises de la société, comme le mariage – il refusait ainsi d'épouser sa compagne de longue date. Le style Second Empire est l'incarnation de la tendance néoclassique et ostentatoire de l'art français. Il représente parfaitement le dégoût de Sartre pour la bourgeoisie. Dans ce cadre, Sartre introduit trois personnages aux noms à deux syllabes : Garcin (très proche de garçon), Inès et Estelle (qui suggère “étoile”, donc le ciel). Beckett développera plus tard une technique similaire dans ses drames, donnant à ses personnages des noms de plus en plus étranges.
En effet, Huis clos annonce à bien des égards l’ère du théâtre de l'absurde, même si la pièce adopte une construction narrative soignée et suit une progression dramatique conventionnelle, contrairement aux œuvres de Beckett ou de Ionesco. La pièce présente la philosophie existentialiste telle que Sartre la perçoit. Bien que ce courant de pensée ait vu le jour au XIXème siècle, l'existentialisme est aujourd'hui communément associé à Sartre et à ses écrits. La proclamation d'Inès selon laquelle “Tu n’es rien d’autre que ta vie.” illustre les principaux fondements de l’existentialisme. Plus tard, Sartre développera des théories sur la responsabilité sociale, liant existentialisme et humanisme et éloignant cette philosophie de ses implications les plus nihilistes. Toutefois, dans Huis clos, sa vision du monde est définitivement pessimiste. Il n'y a pas d'issue pour ses personnages ; leur enfer n'est pas une fournaise ardente, mais un enfer de l'esprit.
