Résumé chapitre 1
Mersault est informé par courrier du décès de sa mère, sans être sûr de la date exacte. Il demande deux jours de congé à son patron et prend le bus pour se rendre à la maison de retraite Marengo, à deux heures de route. Il s'endort en chemin. Au foyer, le gardien puis le directeur discutent avec lui. Le directeur affirme que sa mère était plus heureuse au foyer qu'avec Mersault car elle était avec des gens de son âge. Il est d'accord.
Après les explications du directeur concernant les modalités des funérailles, Mersault s'installe à la morgue pour voir sa mère. Il demande à ne pas voir le corps et s'assoit près du cercueil. Le gardien reste et lui raconte sa vie, lui expliquant qu'il n'est pas résident de la maison et lui explique les différences avec les enterrements à Paris. Mersault décide, hésitant d'abord à cause de sa mère, d'aller fumer une cigarette. Il s'endort jusqu'à ce que les amis de sa mère viennent s'asseoir à la veillée. Ils sont tous assis de l'autre côté du cercueil avec le gardien et Mersault a l'impression d'être jugé. Une femme pleure discrètement, le gardien explique que c’était la seule amie de sa mère. Il s'endort comme la plupart des amis et la nuit passe.
Le matin, Mersault fait un peu le ménage avant le cortège funèbre. Mersault refuse de regarder sa mère avant que le cercueil ne soit scellé, que les formulaires ne soient signés et que le cortège soit en cours. Dans ce cortège, il y a Meursault, l'infirmière, le directeur, des croque-morts, le curé, Monsieur Pérez, et un membre du foyer autorisé à y assister en raison de sa proximité avec la mère de Meursault. Ils parcourent la longue route qui mène au village, à près d'une heure de route. Mersault sent qu'il comprend mieux sa mère lorsqu'on lui dit qu'elle et Pérez se promenaient souvent au village. Pérez prend du retard mais le rattrape grâce à des raccourcis. Mersault se plaint de la chaleur. Il note que l'ensemble des funérailles s'est déroulé si vite et délibérément qu'il ne se souvient de rien, sauf d'un commentaire de l'infirmière et de l'image de Pérez en train de pleurer.
Analyse chapitre 1
La première phrase du roman, « Maman est morte aujourd’hui », est l’une des plus célèbres de la littérature. Mais ce qui ressort particulièrement, c'est la phrase qui suit. Mersault ne sait pas si c'est aujourd'hui ou hier que sa mère est décédée. Cette indifférence au détail et au temps catégorisera la personnalité de Mersault tout au long du roman. Les détails du télégramme dont il discute ne concernent que son incertitude sur la date. Il ne mentionne rien d'autre sur l'effet que le message de ce télégramme crée en lui.
L’effet choquant de sa description brève et sans émotion se reflète dans le style de la prose. Les phrases sont précises et concises, composées principalement de verbes d’action simples. Le lecteur est informé de presque tous les déplacements de Mersault au fur et à mesure qu'il prend ses décisions : le bus qu'il prendra, jusqu'à ce qu'aux endroits ou il aime manger, comme il le raconte à son patron. Le paradoxe notoire est que le texte n’est pas au présent, mais plutôt au passé, et que très peu de lignes de dialogue sont données. Le lecteur doit donc porter une attention particulière au discours présenté sous forme de dialogue. La première déclaration entre guillemets que nous entendons de la part d'un personnage, vient de Mersault lorsqu'il affirme que la mort de sa mère et le fait qu'il ait dû s'absenter du travail ne sont pas de sa faute. Cette focalisation sur le narrateur tout en l'éloignant des événements et de la responsabilité est au cœur du ton créé par Camus.
Plusieurs fois au cours du premier chapitre, Mersault s'endort. Tout d'abord, dans le bus qui le conduit à la maison, il donne plusieurs raisons pour lesquelles cela a pu se produire. À chaque moment de son sommeil, il souligne les éléments de l'environnement qui auraient conduit à son sommeil. On est ainsi amené à croire que le sommeil était indépendant de sa volonté, qu'il était provoqué par des éléments de la situation, et que le sommeil était arrivé au Mersault passif. Dans un sens, le lecteur se connecte à Mersault en tant que personnage ordinaire parce que ce qui est arrivé à Mersault serait probablement arrivé à n'importe qui à ce moment-là. Il pourrait être comme tout le monde et pourtant il vit tout avec très peu d'émotions, contrairement à la plupart des gens. Il est somnambule tout au long de sa vie. Symboliquement, alors qu'il traverse le pays pour les funérailles de sa propre mère, qui le conduisent sur les lieux de sa mort, il s'évanouit, assumant un rôle plus passif dans le voyage. Cycliquement, sur le chemin du retour, la première mention de sa joie est faite. Le bonheur se trouve pour Mersault à l'endroit de la promesse du sommeil.
Il semblerait que Mersault puisse effacer les instants vivants de son existence et se souvenir uniquement de ce qu'il souhaite, comme il le fait des tranches de souvenir qu'il conserve des funérailles. On remarque que seule l'amie de la mère et M. Pérez pleurent. Mersault se souvient de cet instant mais le caricature, en l'émettant à distance de lui-même. Dans le texte, les images défilent et se réduisent à une brève mention ou à une liste d'événements, séparés par des virgules. Il est plus touché par le soleil brûlant que par les funérailles de sa mère et y accorde donc plus d'attention en détail car il s'agit d'une réponse corporelle et non émotionnelle. Mersault ressent peu de contact avec la réalité imposée de l'humanité sur le naturel des événements quotidiens et infimes auxquels il participe, thème qui nous suivra tout au long du roman.
Résumé chapitre 2
Au réveil de ses 12 heures de sommeil, Meursault se rend compte que c'est samedi et qu'il bénéficiera en effet d'un total de quatre jours de congé. Pas étonnant que son patron soit ennuyé, pense-t-il, même si ce n'est pas de sa faute si maman est morte ou si les deux jours qu'il avait demandés sont tombés juste avant le week-end. Meursault se lève enfin du lit, se lave et décide d'aller se baigner. A la plage, il croise Marie Cardona, une ancienne dactylographe de son bureau qui lui avait déjà plu. Toujours attiré par elle, il s'assoit avec elle sur un flotteur et pose sa tête sur son ventre. Ils décident d'aller au cinéma ce soir-là. Une fois habillée, elle s'étonne de la cravate noire qu'il porte. Meursault l'informe de la mort de sa mère la veille. Elle s'étonne que le décès soit récent mais Meursault n'a pas envie de s'expliquer davantage.
Elle ne semble plus s'en soucier lorsqu'ils se retrouvent pour aller au cinéma le soir. Ils regardent une comédie et il caresse Marie pendant le film. Après le film, ils retournent chez lui. Elle part au moment où il se réveille le matin. Meursault est gêné que ce soit dimanche alors il retrouve l'odeur de sel laissée par Marie sur son oreiller et dort encore. En quête d'intimité, il prépare le déjeuner à la maison et erre dans l'appartement, s'ennuyant. Il constate à quel point l'appartement était trop grand depuis le départ de maman et il n'a donc conservé que le nécessaire pour sa vie quotidienne. Comme c'est un bel après-midi, il sort de sa chambre et regarde les gens passer. Les familles passent en premier, puis les garçons du coin un peu plus tard. Il pense que les garçons vont au cinéma. La route se vide, laissant place aux commerçants et aux chats, comme c'est le cas la plupart des dimanches calmes. Meursault fume des cigarettes et mange du chocolat. Il regarde le temps s'assombrir puis s'éclaircir. Bientôt, le tramway revient avec des supporters du match de football qui l'avertissent qu'ils ont gagné.
Au coucher du soleil, les gens commencent à revenir de leurs promenades. Les cinéphiles entrent d'un seul coup dans la rue et apparaissent à Meursault comme s'ils avaient vu un film d'aventures. Un autre groupe de cinéphiles qui avaient fréquenté les autres cinémas de la ville passe, plus discret, peu de temps après. Les filles et les jeunes hommes rient et jouent à des jeux de flirt en passant. Soudain, Meursault remarque que les lampadaires s'allument et que les étoiles apparaissent dans le ciel. Ses yeux captent les lumières du tramway qui rebondissent sur les objets et commencent à se fatiguer. Une fois la rue déserte, Meursault va acheter quelques affaires pour le dîner. Il cuisine et mange debout puis ferme les fenêtres. Il se rend compte que rien n'a beaucoup changé : un autre dimanche est terminé et maman est enterrée.
Analyse chapitre 2
Au cours du deuxième chapitre, le lecteur découvre les détails minute par minute de la vie de Meursault un samedi et un dimanche réguliers. Nous voyons les deux modes de vie de Meursault les jours non travaillés à travers notre premier aperçu, par opposition aux jours entourant les funérailles de sa mère. Le ton du chapitre ne diffère cependant pas beaucoup de celui du premier chapitre qui se concentrait sur les funérailles. Cette similitude est très importante quand on considère le message que Camus tente de faire passer à travers le personnage de Meursault. Le ton que nous remarquons dans les deux chapitres est l’indifférence. Comme nous l'avons vu dans l'analyse du premier chapitre, Meursault est largement plus préoccupé par son confort physique, l'environnement physique et les observations de son caractère que par le bagage émotionnel qui accompagne normalement la mort "socialement". Étant donné que Meursault est indifférent à la mort de sa propre mère, il ne faut peut-être pas s'étonner qu'il soit également largement indifférent dans sa vie quotidienne. Camus construit une trame à travers le personnage et la vie de Meursault afin d'explorer ses idées sur l'absurde. Camus a dit un jour : « Ce qui est absurde, c'est la confrontation entre le sentiment de l'irrationnel et le désir irrésistible de clarté qui résonne au plus profond de l'homme. » En anglais plus simple, Camus ne croyait pas en un monde doté de forces absolues et/ou divines comme Dieu ou d’une vie après la mort. Dans son monde, quand on mourait, c'était tout. Ainsi, les efforts déployés par la majorité des humains pour donner un sens à leur vie face à Dieu sont absurdes. Chaque aspect de la vie est dépourvu de tout sens ou vérité supérieure et mène uniquement au néant. La lutte, selon lui, consiste donc à accepter l’absurde. L’espoir et la foi ne sont que des mesures inutiles construites par l’homme pour trouver un but et éviter ses responsabilités. Lorsque ces constructions sont supprimées et que l’on comprend qu’on est confronté à une fin définitive et éternelle, on a la capacité de prendre le contrôle des actions de sa vie et de leur donner un sens personnel. Créer du sens dans un monde dénué de sens est certes absurde, mais c'est un voyage qui intrigue énormément Camus.
En ces termes philosophiques, les choix et le style de vie de Meursault sont légèrement plus compréhensibles. La mort de sa mère n'est pas pour lui une expérience émotionnelle car la mort est la fin attendue du cycle humain ordinaire et, de plus, lui et sa mère n'étaient pas proches. Il dit à un moment donné plus tard dans le texte qu'il l'avait envoyée à la maison parce qu'il n'avait pas d'argent pour s'occuper d'elle et, "ça faisait longtemps qu'elle n'avait rien à me dire". Ainsi, la progression des événements vers la mort d'une personne qu'il connaissait mais à laquelle il n'était pas particulièrement attaché ne crée pas de tristesse. De plus, une journée ordinaire sans travail à laquelle nous regardons Meursault participer, au chapitre deux, va présenter un homme suivant la trace de ses propres plaisirs physiques. L'un de ses plaisirs favoris est de nager et d'aller à la plage, comme nous le verrons au fil du roman, et ainsi, le premier jour après son retour de l'enterrement de sa mère, il retourne à la vie ordinaire et choisit cela comme son premier activité. Il est stimulé par les sensations physiques les plus simples : le chaud, le froid, l'attirance sexuelle. Nous apprenons des informations très superficielles sur Marie, qu'elle était dactylographe, mais rien sur les détails de son apparence et de sa personnalité. Au lieu de cela, nous apprenons les effets physiques qu'elle a sur Meursault. Ce récit très égocentrique nous raconte le fait de frôler ses seins et d'entendre son cœur battre. Dans une vie sans sens, ce sont ces instants qui stimulent Meursault. On voit que Marie ne vit pas tout à fait le même style de vie car elle est visiblement surprise par la nonchalance dont Meursault a fait preuve face au tout récent décès de sa mère. Cependant, notons également que Meursault se trompe sur le jour du décès de sa mère. Il répond "hier" alors qu'en fait l'enterrement a eu lieu la veille mais que le décès a eu lieu un jour ou deux avant. Une légère vague de culpabilité envahit Meursault avant qu’il ne puisse la repousser. Il sait que ses actes ne veulent rien dire et que la culpabilité n’est qu’un défaut humain qu’il faut déplacer.
L'interaction sociale de Marie et Meursault est très écourtée par Camus. Nous savons qu'ils regardent un film et que c'est une comédie (non seulement offensante après la mort de sa mère mais faisant référence au visionnement de cette comédie par le lecteur) mais l'intrigue (également auto-référentielle) n'est pas importante. En fait, Meursault affirme que c'était "tout simplement trop stupide". Nous lisons plutôt comment les deux se sont touchés puis sont partis faire l'amour. Le matin, il est plus affligé du fait que nous soyons dimanche que du fait que Marie soit déjà partie. Il profite de la matinée en restant au lit, en faisant la sieste, en sentant le sel dans les cheveux de Marie et en fumant. Le dimanche le dérange car il n'y a pas de schéma fixe à suivre, aussi monotone que puisse être le schéma pendant la semaine de travail.Parfois, il semble que la voix de Camus remplace celle de Meursault parce que les mots et les images ont un flair poétique. Il est également possible que l'on sous-estime un fondement poétique enfoui à l'intérieur de Meursault mais le lecteur ne peut pas encore savoir avec quelle beauté il parlera à l'approche de la mort. Alors que les mouvements du ciel et des gens s'amplifient, Meursault se rend compte qu'un autre dimanche insignifiant l'a dépassé. La mort de sa mère n'a rien changé à cela ou quoi que ce soit.
Résumé Chapitre 3:
Meursault retourne au travail et travaille dur. Le patron est gentil. Il est soulagé de constater que maman avait « une soixantaine d'années » lorsqu'elle est décédée. Meursault ne s'en souvient pas exactement. Le matin, Meursault feuillette les factures sur son bureau puis se lave les mains, activité agréable, avant le déjeuner. Il part déjeuner avec Emmanuel, qui leur propose de sauter dans un camion de pompiers qui passe rapidement devant eux. Spontanément, Meursault accepte et ils courent et sautent dessus. Dégoulinants de sueur, ils se rendent chez Céleste pour déjeuner. Céleste interroge Meursault sur Maman. Il mange vite, boit trop de vin et rentre chez lui faire une sieste. Plus tard, il retourne au bureau et travaille tout l'après-midi.
En rentrant du travail, Meursault croise son voisin Salamano et son chien. Les deux sont inséparables depuis huit ans et non seulement se ressemblent, mais se détestent. Ils sont tous deux couverts de croûtes. Meursault raconte leur routine quotidienne de promenade et les coups que Salamano a donnés au chien. Meursault ne porte aucun jugement sur le couple tandis que Céleste trouve le traitement réservé au chien pitoyable. Salamano crie toujours au chien : "Sale et puant salaud !" et cette fois, ce n'est pas différent. Immédiatement après avoir vu Salamano, un autre voisin, Raymond Sintès, entre. Il est réputé pour être un proxénète mais se dit "gardien d'entrepôt". Raymond aime parler à Meursault parce qu'il l'écoute. Il l'invite à dîner et Meursault accepte pour ne pas avoir à cuisiner. La pièce est en désordre et remplie de photos de femmes nues. Raymond explique la dispute qu'il a eue avec un homme ce jour-là et demande les conseils de Meursault qui, prétend-il, feront d'eux des amis. Son histoire pendant le dîner concerne une petite amie dont il jure qu'elle le trompe, avec peu de preuves. Il s'avère que l'homme avec qui il s'est battu était son frère. Il admet lui avoir donné une allocation et l'avoir battue. Rien de tout cela n’est de sa faute, dit-il. Il veut l'aide de Meursault pour planifier sa vengeance contre la petite amie, pensant d'abord qu'il pourrait la faire arrêter comme prostituée ou demander à des amis de la pègre de la « marquer ». Au lieu de cela, il veut lui envoyer une lettre pour lui faire regretter ce qu'elle a fait afin qu'elle revienne vers lui et qu'il puisse lui cracher dessus. Meursault accepte d'écrire la lettre sur-le-champ, en espérant qu'elle plaise à Raymond. Le nom de la fille est maure. Raymond est content du travail et raconte comment ils sont devenus amis. Avant le départ de Meursault, Raymond lui dit qu'il a appris la mort de maman et qu'il ne doit pas se laisser abattre car cela devait arriver. Meursault accepte et s'en va, entendant le chien gémir de Salamano alors qu'il rentre dans son appartement.
Analyse chapitre 3:
Les chapitres un et deux montrent respectivement au lecteur une journée extraordinaire et les jours de week-end dans la vie de Monsieur Meursault. Le chapitre trois nous présente ainsi une journée de travail type. Le patron de l'entreprise de Meursault est une personne ayant une sensibilité humaine normale, c'est-à-dire qu'il suit les règles fondamentales du comportement humain, et estime donc qu'il doit interroger Meursault sur sa mère. La nonchalance de Meursault sur le sujet, répondant avec une approximation de son âge, décharge le patron de tout rôle de sympathie qu'il doit jouer. Il est important de considérer que Meursault répond « une soixantaine » pour ne pas se tromper. Il est plus soucieux de deviner l'âge de maman que de suivre le protocole standard. Il ne se rend pas compte à quel point il peut paraître dérangeant pour un fils de ne pas connaître l'âge de sa mère. Ce petit commentaire symbolise toute sa vision de la vie. Il est plus soucieux d'être honnête envers lui-même que de construire une personnalité pour le public et ne ressent donc pas le besoin de dissimuler son indifférence envers les aspects émotionnels de la vie. Camus prend soin de créer ce précédent à la fois pour montrer l'attitude de Meursault et pour fournir matière à sa condamnation ultérieure.
Par conséquent, le paragraphe suivant passe rapidement aux détails de sa journée de travail. On peut se demander si Meursault est si indifférent, pourquoi travaille-t-il si dur à son travail ? Mais on remarque que c'est simplement le schéma qu'il doit suivre pendant ses journées de travail. Il n’aime pas son travail, il le fait et veut continuer à le faire. Il vit sa vie selon le modèle qui lui est proposé, ne cherchant pas à enfreindre les règles mais simultanément à briser les codes sociaux sans le vouloir en raison du manque de sens que briser le code aurait pour lui. Meursault trouve du plaisir dans le rouleau d'essuie-mains sec, pas dans son métier. Son patron, représentant le contraste entre Meursault et les autres, souligne la petitesse de cette envie. Meursault est libéré du besoin de plaire à autrui ou d'agir d'une certaine manière. Quand Emmanuel propose de sauter dans le camion de pompiers, Meursault le fait. Il peut être aussi bien spontané que défini dans un schéma, car en réalité, tout cela ne fait aucune différence. Remarquez aussi combien de fois Meursault s'assoupit et fait une sieste. Il est suffisamment libéré de toute obligation comportementale pour dormir quand il veut sans y penser, tout comme il le fait à côté du cercueil de maman et le lendemain du départ de Marie. Les sensations physiques lui font du bien et il apprécie le soleil, le sommeil, le sexe, la natation et la cigarette.
Salamano, le voisin de Meursault, présente un exemple étrange d'homme qui gère sa vie quotidienne basée sur les émotions et la routine. Son chien et lui se ressemblent et tous deux sont grotesques. Il est violent envers son chien, verbalement et physiquement, et ils semblent se détester. Pourtant, Meursault ne le juge pas. De nombreux personnages commentent à quel point la situation est pitoyable, mais Meursault n'est jamais d'accord ni en désaccord. Il considère leur relation comme basée sur la logique et demande donc à Salamano ce que le chien a fait pour mériter la malédiction. La raison illogique est que le chien est là. Leur relation d'amour et de haine offre un contraste fort et ironique avec la relation que Meursault entretiendra avec Marie. Nous apprendrons qu'il ne l'aime pas car cela n'a pas d'importance. Le chien est tout ce qui compte pour Salamano et est une métaphore de l'élément de la plupart des vies humaines qui nous fait ressentir des émotions fortes et répétées, même si elles sont souvent loin des approches rationnelles ou de simples réponses physiques. Pourtant Camus est loin de dire que Meursault a tort dans sa tentative vers la vie. Il n'a tout simplement pas encore appris à tirer le meilleur parti d'une existence qu'il comprend, en fait, le mieux parmi tous les personnages dans l'esprit de Camus. Il sait que la vie n'a aucun sens. Cependant, il n’a pas encore appris à gérer l’absurde et à créer du sens. Cette collision paradoxale de personnages fait allusion à la condamnation à laquelle Meursault sera plus tard confronté et à la liberté qu'il trouve dans sa condamnation.
Raymond est un autre type de personnage répugnant qui ne fait pas grand-chose pour se racheter tout au long du roman. Et pourtant, il considère Meursault comme un ami parce qu'il est à l'écoute. Meursault ne le juge pas après avoir entendu parler de sa bagarre sanglante avec un homme qu'il a continué à frapper une fois à terre. L'homme avait reculé mais cela reste une action discutable. Meursault accepte cependant d'écouter ceci et sa prochaine histoire car Raymond va lui préparer à dîner et alors il n'a pas besoin de cuisiner. La priorité physique est placée au-dessus de toute priorité morale. Il faut quand même se demander pourquoi Meursault, un homme qui semble accorder une grande importance à la vérité, accepterait d'écrire une lettre inutilement mesquine et manipulatrice sans même hésiter. Raymond le veut, alors il le fait. Il accepte également le récit de Raymond concernant sa petite amie infidèle, qui est plutôt peu concluant et subjectif. Il prétend qu'elle triche à partir de preuves telles que la découverte d'un billet de loterie dans son sac à main qu'elle ne pouvait pas expliquer pour lequel elle avait payé. Ces événements et ces histoires de vie n'importent pas à Meursault ; ils ne l'affectent pas. Mais ce qui l’affecte, c’est trop de verres de vin ou de cigarettes. Il est facilement submergé par l'excès de stimuli physiques et a moins de contrôle sur lui-même lorsque son esprit est engourdi et brûlant. Ce thème de l'excès de stimuli physiques est annonciateur de mauvais moments, du moins aux yeux de la société, pour Meursault. Souvenez-vous de la marche vers les funérailles où ses pensées sont concentrées sur le soleil brûlant. Il sera plus tard condamné pour une telle focalisation.