Eugène Ionesco est né en 1912 d'une mère française et d'un père roumain. Son enfance s’est principalement déroulée en France, où il a vécu un événement qui l’a profondément marqué. Comme le relate Deborah B. Gaensbauer dans son ouvrage Eugene Ionesco Revisited, le jeune garçon se trouvait dans une petite ville française, marchant par une journée de beau temps, lorsqu’il fut submergé par une vive lumière. Il eut l'impression de flotter au-dessus du sol, serein. Une fois cette sensation disparue, le monde lui sembla sale, rempli de corruption et dénué de sens. Le contraste entre l’euphorie paisible qu’il put brièvement ressentir et la réalité influença largement son œuvre.
À l'adolescence, après avoir déménagé en Roumanie, les parents d'Ionesco divorcent. Le jeune homme étudie la littérature française à l'université de Bucarest. Ionesco épouse ensuite Rodicia Burileanu, avec qui il a une fille, à qui il dédie plusieurs histoires pour enfants. Ionesco, son épouse et leur fille retournent en France, d’abord à Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale, puis à Paris.
Ionesco commence à écrire du théâtre dès 1935, mais ce n’est qu’en 1950 que sa première pièce, La Cantatrice chauve, est mise en scène. Pour l’écrire, Ionesco s’est inspiré de son expérience de l’apprentissage de l’anglais à l’âge adulte. Il utilise alors des phrases simples, composées de mots simples, qu’il rend tour à tour profondes, mystérieuses, tragiques ou hilarantes. Dans La Cantatrice chauve, il se moque d’une famille de la classe moyenne, prise au piège dans un monde régi par des gestes vides de sens et des rituels désuets. Ionesco fut surpris que cette petite production soit saluée par la critique.
Parmi les œuvres les plus célèbres d'Ionesco, on compte La Leçon (1951), Les Chaises (1952) et Rhinocéros (1959). La construction de ses pièces, qu'il appelait "anti-pièces", rompt avec les conventions théâtrales classiques. Ses œuvres explorent le thème de la mort et posent des questions existentielles, le tout avec un sens de l’humour virant parfois au fantastique. La frontière entre fiction et réalité est tenue dans les mondes absurdes, régis par le hasard et dénués de sens qu’a imaginé Ionesco.
En 1962, le critique littéraire Martin Esslin définit la notion de “ théâtre de l’absurde”, un genre littéraire nouveau qu’il attribue notamment à Ionesco, Samuel Beckett, Jean Genet et Arthur Adamov. Tous ces auteurs s’intéressaient au sens, ou à l’absence de sens, de la vie et à ses mystères.
Dans son essai le plus connu, L'expérience du théâtre, Ionesco interroge la façon traditionnelle de faire du théâtre. Il explique qu’il a toujours détesté assisté à des pièces lorsqu’il était enfant car il n’y avait aucune interaction avec le public. Il décrit sa vision d'une " vérité dans l’ imaginaire ", bien plus captivante que le réalisme du théâtre classique. En critiquant le réalisme et le théâtre brechtien, il se distingue de plusieurs de ses contemporains, dont Kenneth Tynan, avec qui il a beaucoup débattu.
Ionesco est devenu membre de l'Académie française en 1970. Il a ensuite continué à écrire des essais et des pièces de théâtre. Il a reçu de nombreux prix, dont le grand prix du Théâtre de la Société des Auteurs, le grand prix national du théâtre, le prix de Monaco, le prix Jérusalem et le grand prix de littérature européenne, ainsi que des doctorats honorifiques des universités de New York, de Louvain, de Warwick et de Tel Aviv.
Ionesco est décédé à l'âge de 84 ans le 29 mars 1994 et a été inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris. Bien qu'il ait écrit presque exclusivement en français et ait vécu en France pendant de nombreuses années, la Roumanie le considère comme l'un de ses artistes les plus talentueux.